Edito de Mgr Benoist de Sinety – 21 janvier 2021
Il y a presque un mois, le pape disait : « La naissance du Christ nous invite à bâtir une fraternité basée sur l’amour réel ». Et le pape évoquait aussi le vaccin comme une lumière dans cette période d’obscurité et d’incertitude que constitue la pandémie.

Cette lumière elle n’est possible qu’à condition que ce vaccin puisse être disponible à tous ceux qui en ont besoin. Or aujourd’hui, 13% de la population mondiale a obtenu la moitié des doses de vaccins disponibles. Alors que notre société occidentale en pleine crise de nerfs, on le voit tous les jours en France, se replie dans l’attitude capricieuse de l’enfant gâté qui n’a jamais assez et les pays les plus pauvres, en Afrique, en Asie, en Amérique latine se retrouvent totalement démunis, faute de capacité à conserver et à manipuler le précieux élixir dans de bonnes conditions de conservation et faute d’argent, aussi.
Et c’est peut-être là, d’abord, que le bât blesse comme ce fut le cas pour un certain nombre d’autres traitements ou d’autres vaccins. Pourquoi les pays riches ne pourraient-ils faire pression sur les fabricants afin d’obtenir qu’ils abandonnent leurs droits pour que les plus pauvres des habitants de cette terre puissent être pour une fois, traités à égalité avec les plus nantis ?
Imaginer que le combat contre la pandémie ne se gagnera qu’en nous protégeant nous-mêmes est illusoire et même dangereux. Dangereux, parce que cela confortera encore plus les habitants des pays les plus pauvres que le seul avenir possible se situe en dehors de chez eux, encourageant ainsi l’exode dramatique que nous connaissons depuis des années. Illusoire parce que quoi qu’en pensent les grincheux le monde est ainsi fait que rien ne peut se renfermer, même pas une île, et que ceux qui prétendent le contraire demandent de leurs sentiments à nos amis anglais ou aux irlandais.
Et vous où est-ce que vous irez passer vos prochaines vacances ? Eh bien, au soleil !, s’exclament aussitôt ceux qui en ont les moyens. Alors imaginons demain, nous européens, bénéficiant du vaccin et du passeport sanitaire nous permettant de nouveau d’aller, de venir où bon nous semble. Imaginons aussi que les vacances nous mènent en des contrées très accueillantes aux touristes que nous sommes et que nous nous rendions compte que ceux qui nous y accueillent n’ont même pas aperçu l’ombre d’une dose de vaccin car leur pays n’a jamais été capable de le leur procurer, même pas de le leur faire miroiter. Imaginons cela. Pensez-vous que cela constituerait un scandale. Ce n’est même pas sûr tant la capacité de l’acceptation de l’injustice dans nos sociétés semble devenue infinie, à mois que dès maintenant des hommes, des femmes se lèvent et demandent solennellement par des pétitions, des manifestations, des déclarations diverses, que tous soient traités à égalité, et que ce serait un signe prophétique d’amour de nouveau que de commencer par la question de la vaccination.
Ça ne réglera pas tous les problèmes, ça ne supprimera pas toutes les inégalités, cela engagerait peut-être un mouvement vers le mieux. L’agence catholique de coopération au développement, MISEREOR, se démène pour que cette question ne sombre pas dans le silence médiatique si efficace pour faire disparaître de nos jours les sujets qui dérangent.
Alors peut-être y-a-t-il là pour chacun, un engagement possible pour bâtir cette fraternité basée sur l’amour réel.
Mgr Benoist de Sinety
Vicaire général de l’archidiocèse de Paris