Partage sur l’évangile des Noces à Cana en Galilée (Jean 2,1-12)
30 avril 2016, fête de Notre-Dame d’Afrique – Rome Maison généralice SMNDA. Nous voici aujourd’hui pour fêter Notre-Dame d’Afrique, fête chère à notre famille religieuse à la suite du cardinal Lavigerie. Cette fête nous met directement en lien avec nos origines à Alger, avec l’Afrique, qui est pour chacun et chacune de nous comme un sceau sur notre cœur, et avec Marie, mère de Jésus, qui nous a été donnée par notre Fondateur comme patronne et protectrice.
Nous pouvons mettre ce que nous vivons aujourd’hui, cette joie d’une fête de famille, en lien avec l’Évangile qui nous présente une fête de noces à Cana de Galilée. L’auteur mentionne par deux fois que c’est bien en Galilée qu’a lieu cette fête et le signe que donne Jésus, en Galilée, carrefour des nations. C’est aussi notre cas. Nos villes et même nos villages sont devenus des carrefours où l’on trouve des personnes de toute langue, de diverses origines, religions, valeurs, cultures. C’est dans cette mêlée que nous est présentée la fête des noces, fête d’une alliance entre familles, symbole de l’Alliance de Dieu avec nous. C’est dans notre quotidien que Dieu est fidèle à l’Alliance que nous avons faite avec Lui, et c’est de Sa fidélité que dépend notre joie. Et c’est dans notre quotidien que nous sommes envoyé (e) s pour vivre la rencontre avec l’autre dans sa différence.
Et pourtant, au milieu de la fête se déroule un évènement tragique : « Ils n’ont pas de vin. » C’est la mère de Jésus qui réalise cela, qui voit les premiers signes de l’embarras, probablement des serviteurs. Il y a tant de personnes à la noce, mais il n’y en a qu’une, avec son cœur de mère, capable de donner et de soigner la vie, qui regarde, voit et comprend. Les autres continuent comme si de rien n’était. Elle est attentive, elle voit, elle se laisse émouvoir ; son cœur est touché, elle agit. Elle va vers son Fils. Elle lui raconte le fait, ce qu’elle a discerné : « Ils n’ont plus de vin. » Rien de plus. N’est-ce pas la plus belle leçon que nous pouvons avoir sur la manière de prier ? Nous tourner vers le Christ en lui exposant ce que nous vivons, ce que nous voyons dans notre carrefour des nations. Et faire cela avec foi. Sa foi la mène à agir : se tournant vers les serviteurs, elle dit : « Faites tout ce qu’il vous dira. »
La première transformation, la transformation de chacun et chacune de nous.
Et moi, ai-je les yeux ouverts pour voir le manque ? Si j’essaye d’entrer dans cette scène, où est-ce que je me trouve ? Il y a deux groupes de personnes : la mère de Jésus qui voit le manque, se laisse émouvoir, agit et prévient son Fils et les autres, y compris le maître du repas, (le responsable) qui ne voient rien, qui gardent leurs têtes dans le sable. Et même s’ils voyaient, ils devaient se sentir paralysés comme nous dans tant d’occasions, mais qu’est-ce que nous pouvons bien faire ? Il vaut mieux ne rien dire, faire comme si cela n’avait rien à voir avec nous, pour ne pas nous attirer des conséquences néfastes. Le pape François nous a mis maintes fois devant notre responsabilité de voir et d’agir. Il nous met souvent en garde contre la globalisation de l’indifférence. Voici la première transformation à laquelle ce texte nous appelle à la suite de Marie, une transformation de chacun et chacune de nous : ouvrir nos yeux et nos cœurs et agir, devenant ainsi « un signe vivant de la Présence de la miséricorde de Dieu dans le Christ » (Message du pape François pour le Carême 2015).
Alors que nous sommes en route vers le 150e anniversaire de notre fondation, dans cet effort de voir et d’agir, nous pouvons nous rappeler notre Fondateur, le cardinal Lavigerie. Il avait un réel attachement à Marie, non seulement parce qu’il récitait son chapelet, mais surtout parce que voyant les situations de son temps, il créa des œuvres qu’il mit sous la protection de Marie, comme les basiliques d’Alger et de Jérusalem, et surtout nos deux Instituts, où il voulait des hommes et femmes apôtres, envoyés pour l’évangélisation de l’Afrique. Unissant l’action et la prière, dans sa lutte contre l’esclavagisme, il osait parler si familièrement à Marie : « O Marie, nous vous avons proclamée ici Reine de l’Afrique, il y a de cela vingt-cinq ans, et l’Afrique a compté sur votre protection. Qu’avez-vous fait pour elle ? Et comment souffrez-vous encore de telles horreurs ? N’êtes-vous Reine que pour régner sur des cadavres ? N’êtes-vous Mère que pour oublier vos enfants ? Il faut que cela finisse ! » (Cité dans une lettre circulaire de Mgr Durrieu, 08.12.54)
La deuxième transformation, c’est la transformation de Jésus.
Il entend ce que sa mère lui dit, et au début, il a du mal à y entrer. « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore arrivée », lui répond-il. Mais elle a l’audace de dire aux serviteurs : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » Elle le lance dans sa mission de messie, et il peut imaginer ce que cela va lui coûter, en regardant la vie des prophètes qui sont venus avant lui.
Cette deuxième transformation nous concerne collectivement. En prenant sur nous la mission de Jésus aujourd’hui, comment comme instituts, osons-nous discerner les nouveaux appels, qui viennent à nous d’une façon inattendue, et obéir à la voix des nouvelles pauvretés (ou périphéries, comme aime les appeler le pape François) qui frappent à notre porte avec urgence ? Devant des situations d’injustice, de fermeture de toutes sortes, nous laissons-nous interpeller ou bien trouvons-nous assez de raisons pour rester dans ce que nous connaissons, ne pas vouloir nous déranger ? Après tout, pourquoi changer ? N’est-ce pas trop risquer ?
La troisième transformation, c’est l’eau qui devient du très bon vin.
Pour ce faire, il fallait la collaboration des serviteurs : « Remplissez d’eau ces jarres. Puisez maintenant et portez-en au maître du repas. » Il fallait que les serviteurs de la noce fassent le travail qui leur était demandé, qu’ils ou elles soient de bons serviteurs ou servantes, qu’ils et elles travaillent ensemble pour la joie de tous. Que chacun et chacune apporte ce qu’il a (ou ce qu’elle a), de l’eau en abondance et le porte aux autres. Ainsi se propage la joie de l’Évangile. Et cette transformation s’est faite dans le secret, sans que les invités ne s’en aperçoivent. Ainsi en est-il de la transformation que l’Esprit peut opérer en nous et à travers nous. Sachons coopérer avec tant d’autres serviteurs et servantes de la Parole de Dieu dans notre vie quotidienne pour être des multiplicateurs de la vraie joie. Ainsi, la fête sera belle pour tous.
En ce jour de fête, nous commençons notre route vers le 150e anniversaire de notre fondation, en regardant vers le passé avec gratitude. L’attachement du cardinal Lavigerie à Marie est une partie importante de notre héritage. Il nous rappelle qu’ « il n’a jamais pu faire aucun bien que par l’intercession et la protection spéciale de la Sainte Vierge dont il a souvent ressenti les effets d’une manière extraordinaire. Il croit que les Missionnaires d’Alger ne feront jamais rien que par son secours » (Lavigerie à ses Missionnaires, p. 101).
En regardant vers le passé, sachons rendre grâce pour les merveilleuses transformations qui ont eu lieu en chacun et chacune de nos membres, et à travers nous, comme dans nos Instituts et à travers eux.
Bonne fête de Notre-Dame d’Afrique
et ouvrons-nous à d’autres transformations
pendant notre marche vers les 150e anniversaire de fondation !
Sr Carmen Sammut
Supérieure Générale des Soeurs Missionnaires de Notre Dame d’Afrique