Clôture du 150e anniversaire à Rome
Suite à la clôture du jubilé de 150 ans en Ouganda, une autre célébration a eu lieu à Rome le 25 janvier 2020. Nous nous sommes réunis à la maison généralice des Missionnaires d’Afrique pour clôturer aussi cette année jubilaire en Italie.
Voici l’homélie de Sr Carmen Sammut, supérieure générale des Soeurs Missionnaires de Notre Dame d’Afrique :
« Nous célébrons la fin de notre jubilé de 150ans de fondation en la fête de la conversion de St Paul. Cela coïncide aussi avec la fin de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Est-ce un hasard ou est-ce porteur d’un message pour nous ?
La lecture des Actes des Apôtres (9,1-22) nous présente la rencontre spectaculaire de Saul avec le Christ vivant alors qu’il est en route vers Damas pour persécuter les chrétiens, pensant obéir ainsi à la loi de Dieu. Jésus s’identifie avec les personnes que Saul persécute et la vie de celui-ci en est bouleversée. Il devient l’apôtre des gentils et utilise dès lors sa grande énergie pour apporter la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité à toutes les nations. Je me suis demandé comment nous pouvions imiter Saul dans sa conversion, même si j’ai eu du mal à m’identifier à un membre d’un groupe extrémiste qui s’apprête à tuer ceux qui ne pensent pas comme lui.
Mais, il y a aussi une deuxième histoire de conversion dans ce récit. C’est l’histoire de la conversion d’Ananias, qui nous est sans doute plus proche. Ananias est un disciple de Jésus, qui écoute l’Esprit et qui est prêt à entendre la voix du Seigneur. « Me voici, Seigneur ». Il reçoit une mission, une nouvelle nomination : Va, trouve cet homme de Tarse. Ananias nous ressemble beaucoup, ou devrais-je dire plutôt, il est comme moi. Il a ses doutes, ses peurs, ses préjugés. « Seigneur, j’ai tant entendu parler de cet homme qui a fait beaucoup de mal. » Mais on lui dit : « Va , j’ai choisi cet homme pour être mon instrument ».
Et Ananias part, malgré sa peur. Il est humble, il obéit au Seigneur. Il croit que ce criminel est aussi un fils de Dieu et que Dieu est libre de choisir qui il veut comme instrument. Il change de lunettes, abandonne ses préjugés et part à la recherche de Saul. Il s’approche de Saul et lui impose les mains pour le guérir de sa cécité. Il partage avec Saul, maintenant baptisé Paul, ses dons spirituels de confiance dans la parole du Seigneur qui l’a envoyé, de guérison, d’espérance, de certitude de la présence de l’Esprit Saint. Je me suis souvent demandé comment nous partagions réellement nos dons spirituels entre nous.
Combien de fois n’avons-nous pas vécu des choses semblables dans nos communautés ? Combien de fois avons-nous fait circuler des rumeurs sur nos frères et sœurs avant leur arrivée dans nos communautés ? Combien de préjugés n’avons-nous pas sur les personnes de telle ou telle origine, culture ou religion ? Combien de jugements irréfléchis portons-nous sur les migrants, les prostituées ou les personnes vivant dans la rue ? Il est si fréquent que les hommes aient des préjugés contre les femmes, les femmes contre les hommes, les Missionnaires d’Afrique contre les SMNDA et vice versa, les ministres ordonnés contre les laïcs! Qu’est-ce qui nous fera changer de lunettes et voir l’autre comme Dieu le ou la voit, dans toute sa plénitude d’enfant de Dieu ?
C’est d’ailleurs l’un des appels que nous entendons aujourd’hui, à la fin de notre jubilé : l’appel à faire de nos différences une chance et une bénédiction. Nos communautés multiculturelles, faites de tant de cultures différentes, non seulement en raison de nos diverses nationalités, mais aussi de nos différences d’âge, de mentalité, de manières de comprendre la théologie et la mission, nous invitent à ouvrir les yeux, à faire des efforts pour nous comprendre mutuellement , à voir que nous ne sommes pas faits pour être semblables ; nous sommes faits pour être différents : en intégrant la différence, nous pouvons offrir un espace d’hospitalité à l’autre. Comme notre monde serait ennuyeux, nos communautés insipides, si nous pensions et agissions tous de la même manière !
Nous accueillir les uns les autres demande beaucoup d’efforts. Et il est bien vrai que partout où nous avons préparé ensemble, Missionnaires d’Afrique et SMNDA, nos célébrations jubilaires, il nous a fallu beaucoup de bonne volonté pour dépasser nos différences. Cela n’a pas toujours été facile, mais les résultats nous ont montré que cela en valait la peine. Nous espérons et prions pour que ce fruit du jubilé, la capacité de travailler ensemble pour le bien de notre mission commune, puisse continuer à se développer.
La promptitude à l’obéissance d’Ananie a permis à Paul de devenir le grand apôtre des Gentils et de remplir la mission que le Christ lui avait confiée. C’est ce même souhait que le pape François a exprimé dans son discours du 8 février 2019, priant ainsi : « Que l’Esprit fasse de vous des constructeurs de ponts entre les peuples, là où le Seigneur vous a envoyés, puissiez-vous contribuer à faire grandir la culture de la rencontre, être au service d’un dialogue qui, dans le respect des différences, sait puiser sa richesse dans la diversité de l’autre ».
C’était aussi le souhait du cardinal Lavigerie que nous devenions ce qu’il voulait que nous soyons : « Puissiez-vous ne jamais perdre de vue le caractère et l’esprit qui sont propres à votre Société. En effet, elle a un but particulier dont elle ne doit jamais s’écarter, au risque de perdre sa raison d’être. Elle est destinée aux peuples non chrétiens d’Afrique ….
Au cours de cette année, grâce à de courts métrages et des écrits, à travers nos pèlerinages en Tunisie et en Ouganda, nous nous sommes souvenus des débuts héroïques de nos frères et sœurs. Leurs voyages, leur manque de moyens, leur isolement nous ont rappelé leur total don de soi. Là où ils arrivaient, ils s’intéressaient à la personne dans son intégralité, au bien-être de la personne et ils ont donc rapidement créé des écoles et des hôpitaux, ils ont pris soin des pauvres, des lépreux, des malades, des orphelins. Ils se rendaient chez les gens, faisant parfois de longs voyages à dos d’âne, de chameau ou à pied, pour visiter un enfant malade, une famille dans le besoin. Ils ont construit des communautés chrétiennes, prenant soin de former des catéchistes, des membres du clergé et des congrégations locales. Comme le souhaitait le cardinal Lavigerie et à l’image de St Paul, « ils n’étaient ni explorateurs, ni voyageurs, ni touristes, ni érudits ; rien d’autre que des chercheurs d’âmes« .
Puisse-t-il en être de même pour nous, les apôtres d’aujourd’hui, afin que la graine semée au cours de ce jubilé croisse et donne des fruits abondants ! »
{gallery}150ans/Closing_Rome{/gallery}