Aujourd’hui, le 2 février, nous célébrons la fête de la Présentation du Seigneur, et en même temps la 27ème journée mondiale de la vie consacrée. Nous vous proposons donc un article écrit par la sœur bénédictine Joan Chattister.
C’est une chose de regarder le monde changer autour de nous. C’en est une autre de faire face au fait que ce monde changeant nous change aussi. Nous nous sommes retrouvés dans un monde de possibilités. Nous avons aussi découvert, alors, la façon dont le choix nous piège.
Une femme, par exemple, s’est tourmentée à l’idée qu’elle avait beaucoup réfléchi, durant de longues années, pour entrer dans un monastère, se demandant : mais pourquoi y aller ?
« Pourquoi m’engager dans une communauté religieuse avec tant d’incertitude si, en tant que laïque, je peux développer ma vie spirituelle n’importe où ? Je peux développer une communauté spirituelle n’importe où. Ne puis-je pas pratiquer une spiritualité profonde et significative dans n’importe quelle communauté de laïcs ou de religieux, poursuivait-elle. « Je peux avoir une indépendance financière et sociale et, plus encore, je peux placer mon argent là où je veux qu’il soit. Et, qui plus est, je pourrais développer des relations importantes – peut-être même rencontrer l’homme idéal. »
Et puis, avec un soupir… « N’est-il pas suffisant d’être un laïc sérieux et de bien mener sa vie ? N’est-ce pas vraiment la même chose ? »
Ces questions sont sérieuses ; ce sont des questions importantes. Ce sont exactement les questions auxquelles tout religieux doit faire face et répondre. Et ma réponse personnelle à ces questions est : « Oui. Vous pouvez certainement faire tout cela en étant marié ou célibataire. Et de toute façon, si c’est ce que vous voulez vraiment faire, faites-le. »
Il n’y a pas d’autre réponse infaillible.
La vérité est que tout le monde passe par la confusion dans tout cela. En fait, il le faut. Moi aussi.
J’avais environ 30 ans quand cette question m’a bousculée. Étais-je vraiment à l’endroit où je voulais être ? Devais-je penser à fonder une famille ? La tension entre les deux m’a tiraillée pendant des mois. Je pouvais imaginer une famille, mais je ne pouvais tout simplement pas m’imaginer hors du rythme du monastère. Toutes les composantes de celui-ci m’ont alors saisie : les parties communautaires, les parties professionnelles, les parties sociales, les dimensions spirituelles de la vie qui me portaient de jour en jour, tous les jours.
Ce que j’ai compris, c’est que j’étais tout simplement « ce genre de personne ». L’aimant en moi se dirigeait vers la vie de prière, la vie de témoignage prophétique, la vie de relation spirituelle consciente avec Dieu et le monde que Dieu a créé. Avec l’apôtre Pierre, la seule réponse qui résonnait encore et encore dans ma tête lorsque je me demandais si je devais partir était « Seigneur, vers qui aller ? ». Et aucune réponse ne venait car la réponse était déjà là.
Il est clair que ces questions ne sont pas des équations à résoudre. Elles ne peuvent être résolues par aucune sorte d’études scientifiques. Elles ne sont pas une question de génétique. Les types de « religieux » comprennent des personnes aussi différentes que sainte Françoise Romaine, sainte Thérèse d’Avila, saint Dominique, le père trappiste Thomas Merton, saint Jean de la Croix ou Dorothy Day. En d’autres termes, il n’existe pas de « type » de personnalité religieuse. Tout comme il n’y a aucun moyen de savoir vraiment, du moins au début, si vous-même êtes du type qui pourrait être appelé à entrer dans un ordre religieux.
Au contraire, la réponse est désarmante par sa simplicité. Si le fait de vous consacrer à une vie, à la fois profondément contemplative et en même temps active sans relâche vous semble être la plénitude de la vie, vous devez prêter une grande attention à ces questions.
Si le style de vie que vous recherchez est un appel à changer le monde, 1500 ans d’histoire prouvent que le style de vie religieux l’a fait à maintes reprises.
L’appel au courage et au service sans compromis n’est pas un appel à quitter le monde, c’est un appel à changer le monde. Alors « allez y ».
C’est le style de vie qui a commencé à Bethléem et qui se termine sur la route d’Emmaüs, avec tous les disciples qui nous ont précédés et qui se sont dispersés pour « faire le bien comme Jésus l’a fait ». Comme nous sommes censés le faire.
Les Écritures sont claires : nous sommes tous destinés à « servir » quelqu’un, quelque part, d’une manière ou d’une autre. Mais, en fin de compte, c’est la place que nous occupons, ce que nous aimons et ce pour quoi nous sommes faits qui déterminera notre manière de bien le faire.
La vie religieuse commence dans le cœur, l’âme et l’esprit du chercheur. Elle devient en eux la lumière qui témoigne du Dieu qui est avec nous, au cœur de l’obscurité et dans le désordre du quotidien. C’est une vie charismatique. Ou bien, comme le demandèrent les disciples d’une époque ancienne à un vieux moine : « Saint, quelle est la différence entre la connaissance et l’illumination ? ». Le Saint répondit : « Lorsque vous avez la connaissance, vous allumez une torche pour trouver le chemin. Lorsque vous avez l’illumination, vous devenez une torche pour montrer le chemin. »
La vérité est que les gens rejoignent des communautés religieuses pour pouvoir faire ensemble ce qu’ils ne peuvent pas faire seuls. La vie religieuse donne à une personne une tradition spirituelle éprouvée en laquelle elle peut avoir confiance. En cours de route, elle donne des modèles pour grandir. Elle apporte le soutien dont nous avons besoin les jours où nous vacillons sur le chemin, dans le travail ou dans le fin fond du cœur…comme cela arrive à tout le monde à un moment ou à un autre.
Plus encore, en communauté, nous faisons partie de la grande voix anonyme qui crie en faveur des pauvres, des opprimés, des invisibles, des perdus, de ceux dont personne ne s’occupe. En effet qui, seul, aurait la force de le faire ? Cette tâche ne peut être accomplie seul. Dans la vie communautaire, la voix unique s’amplifie, s’élève à la puissance de centaines de voix.
Une chose est sûre : la vie religieuse a existé dès les premiers temps de la communauté chrétienne primitive et continuera sûrement longtemps après nous. Comment pouvons-nous en être sûrs ? Parce que dans toutes les traditions et à toutes les époques, des personnes spirituelles se sont levées pour porter ce flambeau.
Les premiers groupes connus de femmes se consacrant à la recherche de la vie divine dans la tradition chrétienne s’appelaient « l’Ordre des Veuves ». À une époque où les femmes n’avaient aucun pouvoir, elles ont pris en charge leur propre âme. Elles ont été, à tout le moins, un signe précoce de l’appel des femmes à un rôle spécial dans la diffusion du christianisme.
Depuis lors, pendant près de 20 siècles, les hommes et les femmes religieux ont été le pouls et le battement du cœur de l’Église. Ils ont été, au centre de chaque communauté, un autre signe, un type de signe différent pour maintenir vivant le modèle de Jésus. Ils ont été la voix des opprimés et un rappel de la présence continue de Dieu parmi nous, ici et maintenant.
Ils ont été la mémoire vivante de Jésus traversant les époques, notre époque. Ils appellent le monde à voir ce qui manque à beaucoup, pour que la volonté de Dieu devienne aussi réelle pour les autres qu’elle l’est pour nous.
De mon point de vue, c’est comme si, à chaque époque, les gardiens spirituels de ce siècle transmettaient le flambeau à l’époque suivante, en disant, à chaque groupe qui s’épanouit puis décline « Continuez, Soyez la lumière, Montrez le chemin, Accompagnez les solitaires, Secourez les malades, Consolez ceux qui souffrent, Soutenez les humbles » et ce, jusqu’à ce que cette vie se fonde dans la suivante et que la compassion se transforme en consolation éternelle.
Il est clair que la vie religieuse est en réalité consacrée au développement spirituel et à l’avènement du règne de Dieu. Non que les autres ne le fassent pas aussi, mais pour les religieux, c’est leur raison singulière d’exister. Il s’agit de montrer ce que signifie continuer à co-créer ce que Dieu nous a donné à achever. Et nous devons tous le faire. De quelque façon que ce soit, la vie religieuse est l’histoire de ceux qui traversent le monde en tenant d’une main les Ecritures et de l’autre leur journal et le livret du travail communautaire. Pourquoi ? Parce que cela, ils l’ont décidé pour toute leur vie. Ils ont été appelés à cela et à rien d’autre.
Et c’est précisément la raison pour laquelle, comme eux, j’ai décidé que la vie religieuse était la seule vie qui me convenait vraiment. Avais-je raison ? Eh bien, c’est 70 ans plus tard que j’écris, sachez-le .
La source originale est prise sur : https://www.ncronline.org/news/opinion/me-be-sister-youre-not-serious