Les Actes des Apôtres rapportent un conflit qui sera résolu au « Concile de Jérusalem », sous la mouvance de l’Esprit.
Partant du « Concile des apôtres à Jérusalem » tel que rapporté dans les Actes des Apôtres, Sr Celina Natanek nous offre une réflexion biblique qui reflète le processus d’un chapitre général.
L’expérience de l’amour transformateur du Christ transforme la petite communauté des disciples, effrayée et enfermée au cénacle, en des témoins courageux (ses), ouverts aux autres, remplis de l’Esprit qui les envoie aux extrémités du monde. Voilà ce que nous présente l’évangéliste Luc dans les Actes des Apôtres (Ac 1).
Ce livre peut nous inspirer dans notre contexte de chapitre, en particulier le récit sur la rencontre, appelée Concile de Jérusalem (Ac 15, 1-29) entre Paul, Barnabé et leurs compagnons envoyés par l’église d’Antioche, avec les Apôtres et les Anciens de Jérusalem. Luc place cet évènement au centre du livre pour en souligner la signification et l’importance des décisions prises au concile. 6
Un élément très important de ce concile est d’avoir ouvert les portes de l’Eglise aux nations, de lui avoir « fait élargir sa tente » donnant ainsi naissance à une nouvelle communauté diversifiée par la langue, la culture, les pratiques religieuses : une nouvelle création. Luc montre un certain modèle, dans lequel l’unanimité est atteinte par l’écoute de la voix de l’Esprit Saint qui guide son église à travers l’histoire, modèle qui peut nous inspirer encore aujourd’hui.
La cause immédiate du rassemblement de Jérusalem, selon le récit des Actes des Apôtres, a été une situation, appelée le conflit antiochien, causé par « les nouveaux venus » de Judée. Ceux-ci enseignaient, comme condition du salut, qu’il fallait pratiquer la circoncision et observer la loi de Moise. Barnabé et Paul sont alors envoyés à Jérusalem pour présenter le problème aux Apôtres et aux Anciens.
La question fondamentale du conflit était celle de l’identité de l’Église qui comprenait sa mission comme universelle. Il était important de déterminer dans quelle mesure les chrétiens étaient liés par les réglementations de la Loi mosaïque. Sous cet aspect, l’Église apparaissait plutôt comme héritière de la tradition judaïque.
D’autre part, la mission d’évangélisation adressée aux païens montre que dès le début les chrétiens ont compris que le message du Christ n’est pas limité aux Juifs, mais inclut toute l’humanité. Cet évènement est devenu pour l’Église une occasion de prendre davantage conscience de l’agir du Christ et des conséquences que cela entraîne dans la théologie ainsi que dans les pratiques religieuses et la vie sociale.
Pour nous « le chapitre général est la première autorité interne de l’institut ; il agit collégialement et a pouvoir législatif, il est l’expression de la participation de toutes les sœurs à la vie et à la mission de l’institut. » (Constitutions 101)
Regardons maintenant quelques aspects du récit qui peuvent nous inspirer pour vivre pleinement notre chapitre.
Dans les Actes des Apôtres Paul, Barnabé et leurs compagnons sont les officiels envoyés par la communauté d’Antioche. Lors du voyage à Jérusalem « ils traversèrent la Phénicie et la Samarie en racontant la conversion des nations, ce qui remplissait de joie tous les frères ».
Être envoyé et avoir une bonne intention semblent deux éléments fondamentaux. Saint Ignace parle d’une disposition de l’âme de se défaire de toutes ses affections déréglées et de chercher et trouver la volonté de Dieu. « Faire ce que Dieu voudra : c’est la devise de Mère Marie Salomé…Il y a bien des manières de comprendre et de faire la volonté de Dieu. La grâce de Mère Salomé fut de la comprendre de la façon la plus simple possible, de la trouver partout, à la lumière de sa foi d’enfant » 1) (…)
À leur arrivée à Jérusalem (…) ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux » (Actes 15,3). Cependant, leur témoignage est interrompu « par quelques membres du groupe des pharisiens qui étaient devenus croyants pour dire qu’il fallait circoncire les païens et leur ordonner d’observer la loi de Moïse. Les Apôtres et les Anciens se réunirent pour examiner cette affaire ». Il est important de souligner qu’ici les opposants sont bien identifiés : membres du groupe des pharisiens, qui contrairement à Paul, sont restés formalistes, attachés à l’observance stricte de la Loi de Moise. Lors des délibérations il semble que chacun a pu s’exprimer.
Cette étape est clôturée par le discours de Pierre (15,7-11) : il se réfère à l’expérience dans laquelle il reconnaît l’action de Dieu lui-même et présente les conséquences qui en découlent. 2)
Ensuite, Paul et Barnabé témoignent des signes et des prodiges que Dieu a accomplis grâce à eux parmi les nations. Le sujet de leur délibération est l’œuvre de Dieu, avec eux, parmi les nations.
Dieu est au centre de leurs discours. Cela permet de reconnaitre et de nommer ce qui n’est pas de Dieu, chez ceux qui sont venus avec des intentions mauvaises ou avec leur propre agenda.
Jacques qui prend ensuite la parole écoute, non seulement chaque point de vue en cherchant des solutions, mais il est un exemple de compréhension et d’interprétation de la Parole de Dieu. Le document contenant les décisions est envoyé à Antioche avec les délégués de la communauté de Jérusalem. Il est important de noter que l’expression : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé » (edoksen gar tō pneumati tō hagiō kai hēmin) qui n’apparait nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament révèle une étonnante conscience de soi, de la communauté ; dans les décisions prises collectivement, elle voit d’abord l’action du Saint Esprit et non pas ses propres efforts et cela permet d’unir à nouveau la communauté divisée.
Pour nous, le but du chapitre « est de renouveler sous la mouvance de l’Esprit, la fidélité de l’institut à sa mission spécifique dans l’Eglise » (Constitutions Nr 102 a). Nous avons l’expérience de l’une ou l’autre décision commune prise sous la mouvance de l’Esprit. Une telle décision apporte la paix et la communion dans l’amour. Elle suppose aussi que nous nous engageons pour la mettre en œuvre, ce qui veut dire un engagement total de chacune des déléguées dans les décisions du chapitre.
A l’issue des délibérations, une lettre est rédigée, dans laquelle est mentionné que la décision a été prise « à l’unanimité » (homothymadon). La communauté se reconstruit ainsi, grâce à une réflexion commune dans l’obéissance à la volonté de Dieu. En effet, une grande partie du Concile de Jérusalem fut dédiée à une réflexion sur les prodiges de Dieu dans l’histoire. La manière dont le récit est conduit indique clairement que lors des délibérations ce n’est pas tant le compromis entre des avis opposés qu’on recherche mais la réflexion sur les événements éclairés par les Ecritures.
Les décisions qui ont eu un impact fondamental sur la mission de l’église n’ont pas été fruit d’un plébiscite mais fruit d’une réflexion sous la mouvance de l’Esprit avec pour seul souci la communauté dans laquelle de telles procédures devraient être développées.
C’est à partir de ce moment-là que la communauté de l’Eglise grandit jusqu’aux extrémités de la terre. La petite communauté effrayée et enfermée au Cénacle après la mort de Jésus grandit maintenant dans la foi avec d’autres, élargit l’espace de sa tente et permet à Dieu de faire des prodiges à travers elle.
« Puissions-nous faire l’expérience de l’amour transformateur du Seigneur ressuscité qui nous appelle à marcher ensemble sans crainte, à approfondir notre charisme en collaboration avec d’autres et à élargir notre tente en donnant naissance à une nouvelle création. »
(Prière pour le chapitre)
Sr Celina Natanek, Ouagadougou, Burkina Faso
1) R.P. MAZE, Centenaire de Vénérée Mère Marie-Salomé 1847-1947, Conférences, page 27
2) « Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage en leur donnant l’Esprit Saint tout comme à nous ; sans faire aucune distinction entre eux et nous, il a purifié leurs cœurs par la foi. Maintenant, pourquoi donc mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur la nuque des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas eu la force de porter ? Oui, nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés, de la même manière qu’eux. »