Pour Sr Valérie Kaboré, Hydra Parmentier, Algérie, la collaboration se décline en entraide, solidarité , partenariat, …
Je voudrais vous partager mon expérience vécue à l’accueil de jour pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées et leurs aidants familiaux. C’est une œuvre de l’archidiocèse d’Alger qui a débuté en 2015.
J’ai intégré l’équipe en juin 2019 et en ai pris la coordination depuis 2020.
C’est le seul centre du genre dans toute l’Algérie.
La petite équipe est constituée d’une cuisinière, une orthophoniste, une psychologue et trois Auxiliaires de vie sociale. Nous accueillons en journée les personnes malades, des membres de leurs familles ainsi que ponctuellement des bénévoles. Nous ouvrons également nos portes à des stagiaires psychomotriciennes ou orthophonistes et au tout venant.
Enfin nous avons un partenariat avec des professionnels de la santé tels les médecins (gériatre-neurologue, psychiatre), des kinésithérapeutes, des associations, des professionnels d’autres corps de métiers (avocats, formateurs en divers domaines, commerçants) et des membres de l’Eglise.
L’accompagnement des personnes âgées et en fin de vie est une de ces périphéries de notre monde dont on ne parle pas assez car il ne peut être envisagé en termes de gain.
Collaboration en tant qu’équipe
Nous formons une équipe pluridisciplinaire qui accueille et accompagne au quotidien des personnes atteintes. Tout commence au moment du recrutement. L’aide de la responsable des ressources humaines et des autres membres de l’équipe est indispensable pour ce discernement !
Il est essentiel de mettre au clair les valeurs (intégrité, sens de l’autre, compassion, humanisme…) et compétences nécessaires pour ce travail (formation de base dans les métiers du « Care » , autonomie suffisante, don de soi, capacité de travailler en équipe…).
Nous nous sommes également donné un cadre d’introspection hebdomadaire au cours de laquelle nous relisons nos pratiques et les situations vécues. C’est un espace de vérité, de vulnérabilité où l’échec devient une opportunité d’apprentissage et où nous consolidons notre capacité de résilience.
Nous continuons en outre une formation professionnelle régulière avec les personnes compétentes précitées. Dans ce cadre, collaborer se résume à se mettre en question et à se laisser mettre en question régulièrement ! N’est-ce pas cela aussi le dialogue de vie et des œuvres ?
Pour l’accueil et l’accompagnement des patients, la collaboration nous sollicite dans notre capacité d’entrer en relation avec l’autre. Elle implique de choisir de sortir de soi, de créer la confiance mutuelle, de vivre un profond respect de la personne dans sa situation particulière et d’être en authenticité.
Dans la maladie d’Alzheimer, plusieurs capacités se perdent progressivement mais la mémoire affective demeure jusqu’au stade ultime de la pathologie. Pour maintenir le lien social, nous misons sur les principes de « l’humanitude »1).
Notre accompagnement basé sur des thérapies dites relationnelles permet de réduire la prise des médicaments neuroleptiques. Ceci améliore la qualité de vie de la personne atteinte ; collaborer signifie finalement s’humaniser au quotidien !
Ceci résonne bien avec la citation de Térence que notre fondateur Cardinal Lavigerie reprenait à son compte « Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
Collaboration avec les membres de la famille
Le second niveau de collaboration est celui de l’accompagnement des membres de la famille. Nous le vivons dès le premier contact. Ils arrivent souvent épuisés par le long chemin parcouru pour savoir de quoi souffre leur proche et par le déni des pathologies (Alzheimer et maladies apparentées) qui rendent la personne méconnaissable.
Nous le vivons à travers l’accueil, l’écoute compatissante, la formation, la rencontre des familles ou « café des aidants ».
Nous cherchons à aider les membres des familles à accepter le/la malade dans son évolution, à maintenir le lien familial et social et à vivre en solidarité avec les autres familles.
Grâce à ce réseau interne, nous avons organisé une sortie détente en bus le 1er mai dernier, pour une trentaine de personnes, dans une ferme pédagogique. Une famille que nous avions accompagnée il y a deux ans s’est offerte pour payer le bus et le chauffeur ; le responsable de la ferme nous a accueillis gratuitement et chacun a apporté de quoi partager.
Ensemble, nous disons non à la discrimination et au rejet des personnes vulnérables en raison de ces maladies neurodégénératives.
Collaboration avec d’autres associations, les bénévoles et d’autres membres d’Eglise
Enfin, le dernier niveau de collaboration concerne les relations avec d’autres associations, les bénévoles et d’autres membres d’Eglise. L’impact des pathologies neuro-dégénératives sur la vie de la personne malade et sur la famille est si grand que seul un partenariat multilatéral peut aider à atténuer leurs méfaits et favoriser une meilleure qualité de vie.
C’est ainsi que nous cultivons un jardin qui embellit le cadre de vie et sert d’espace de déambulation pour les patients. Nous y hébergeons également des ruches, ce qui fait penser à Laudato Si ! Ces ruches appartiennent à de jeunes apiculteurs algériens professionnels.
Dans la collaboration, nous créons un plus grand nombre de solutions et parvenons à un accompagnement plus holistique.
La présence d’autres membres d’Église dans l’animation du centre témoigne d’une communion ecclésiale et du choix radical de notre petite Église d’être aux côtés des plus fragiles. Nos activités de convivialité, de formation et de sensibilisation permettent de rassembler des gens différents.
Créer une atmosphère familiale relève de mon rôle de coordinatrice de l’activité.
Je suis portée par ces paroles :
Michée 6,8 « Homme, répond le prophète, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher humblement avec ton Dieu. »
Cardinal Lavigerie : « Je me suis fait tout à tous car j’ai dit au Dieu de tous, je suis tout à toi »
Mère Marie Salomé : « l’Esprit de famille : -s’aimer et s’entraider »
Et par le nom même de la Maison « Dar El Ikram » qui signifie « Maison de la générosité »
En conclusion, je voudrais dire toute ma gratitude à chaque personne que j’ai rencontré dans l’exercice de cet apostolat. Chaque jour est une leçon d’humilité, de don de soi jusqu’au bout et de créativité au service de la vie.
Collaborer à « Dar El Ikram » est un style de Vie !
1) L’Humanitude s’intéresse aux liens qui permettent aux humains de se rencontrer quel que soit leur état, leur statut. La méthodologie de l’Humanitude permet de prendre soin en privilégiant le lien entre le soignant et la personne âgée.