Sr Mia avec Srs Marie-Ange, Elyse et Olive
Par Sr Mia Dombrecht, Teichott; Mauritanie – du 1 au 31 juillet 2024
Chères sœurs et chers lecteurs,
C’est avec beaucoup de joie que nous vous partageons cette expérience de rencontre avec nos frères et sœurs musulmans.
« Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre. »
Cette phrase des Actes des Apôtres m’a touchée depuis mon enfance. Elle est sans doute à l’origine de ma vocation missionnaire.
En 2011, lors de mon premier séjour en Mauritanie, avec mes sœurs, nous avions eu la joie de découvrir une de ces extrémités de la terre, dans les villages des Imraguen, le long de la côte mauritanienne entre Nouakchott et Nouadhibou dans le Parc National du Banc d’Arguin. Avec notre sœur Marie Cécile Baffier, nous y avions séjourné durant deux mois. Elle était à Rgeiba, pour enseigner la couture, moi-même à Teichott, pour apprendre le français aux femmes afin de les aider à mieux accueillir les touristes de passage.
Grand était mon désir, lors de mon retour en Mauritanie en 2022, de retrouver le village de Teichott avec ses habitants, spécialement, la famille qui m’avait accueillie à bras ouverts. Celle-ci demandait de mes nouvelles chaque fois que l’occasion se présentait. Lors des passages des sœurs de la communauté, les villageois avaient exprimé leur désir de poursuivre les cours de couture et de français.
Je suis arrivée à Teichott en ce premier juillet vers 11 heures du matin, tout à fait à l’improviste car la connexion téléphonique y est loin d’être parfaite. Une à une, les femmes que j’avais enseignées dans le temps sont venues me saluer, la joie au visage. La joie était tout à fait réciproque. « Où vas-tu dormir ? » « Au camping ! « (salle prévue pour les touristes de passage). Le lendemain matin, la moitié des villageois, femmes, hommes et enfants étaient présents au camping pour évacuer le sable à coups de pelle pour le rendre plus ou moins habitable et pour dégager aussi un espace pour organiser notre classe (une natte par terre). Les dunes me servaient de toilette ; la nuit, j’entendais les chacals hurler autour de ma cabane, mais j’étais heureuse d’avoir trouvé ce coin au pied des dunes pour me poser, un peu à l’écart pour pouvoir prier et me reposer convenablement la nuit.
J’ai pu constater avec joie les progrès que le village avait faits depuis 12 ans. Beaucoup de maisons en bois s’étaient ajoutées pour loger les familles nouvellement fondées. Quelques fruits et légumes, même des yaourts étaient en vente, tous les bébés avaient une couche !
Le 3 juillet, après consultation du chef du village, j’ai pu commencer les inscriptions pour les cours de français. J’avais programmé de surtout consacrer mon temps aux jeunes filles et femmes, mais les petits enfants des premières classes du primaire et les garçons n’étaient pas d’accord et voulaient aussi étudier avec «Mariam ». Je ne l’ai pas regretté ensuite, car ce sont justement les petits et les garçons, avec les femmes, qui étaient les plus fidèles aux cours. A travers des petits dialogues, des dictées faites sur l’ardoise, des petits chants et des théâtres, la confiance s’est installée et nous avons pu avancer avec quelques groupes dans une ambiance détendue.
La semaine suivante, le Parc National du Banc d’Arguin avait organisé une grande campagne de nettoyage des côtes. Car beaucoup de déchets, rejetés par les bateaux en mer, sont rejetés par l’océan et se trouvent sur les plages, sans oublier des déchets des villageois. Toutes les femmes, les jeunes, les enfants, les hommes qui n’étaient pas partis en mer, étaient mobilisés durant quatre jours. Ils sont même partis à sept kilomètres hors du village pour ramasser des bouteilles en plastic.
J’ai sensibilisé les enfants qui suivaient les cours de français et ensemble, nous avons rempli avec beaucoup de courage des dizaines de sacs de déchets. Quelle fut ma joie en entendant les enfants chanter le refrain appris quelques jours auparavant :
« Ensemble, nous pouvons faire un monde plus beau ! »
Les plus petits m’ont donné beaucoup de joie. J’utilisais des images pour leur apprendre quelques mots en français par rapport aux objets familiers qu’ils pouvaient trouver dans le village. Un jour, en me promenant avec quelques enfants, une petite fille s’est mise à crier avec joie en pointant du bout du doigt une chèvre (qu’elle avait vue sur une image) : « C’est une chèvre ! » Mon objectif était atteint. « C’est la mer, c’est une corde, c’est un bateau » … a-t-elle continué !
Parmi les femmes, après l’apprentissage de quelques dialogues simples, une d’elle m’a dit : Ce que tu fais est très bon. Enfin, nous allons pouvoir communiquer avec les touristes de passage ici ! Cela m’a donné l’idée de créer un petit dialogue avec les phrases de base pour l’accueil des touristes. Cela a donné une grande fierté aux femmes et une confiance en elles-mêmes, car dorénavant, elles allaient être capables de s’adresser aux étrangers dans leur propre langue à travers quelques phrases toutes simples.
C’est ainsi que les cours de français aux enfants, jeunes et adultes étaient une occasion pour me rapprocher des familles et pour tisser des liens d’amitié avec tous. Je me sentais en train de vivre le mystère de l’Incarnation. J’ai beaucoup admiré le travail dur des hommes sur les lanches pour procurer le pain quotidien à leurs familles, les mamans qui se fatiguaient pour leurs familles et enfants dans des circonstances de vie précaire : peu d’eau douce, à la merci du climat au bord de la mer, vents, marées… Malgré cela, sur tous les visages rayonnait la joie. Les villageois forment comme une grande famille. Il y avait une cinquantaine de familles dans le village et 60 enfants qui suivent l’école primaire où deux maîtres enseignent les enfants durant l’année scolaire. La vie quotidienne est rythmée par les prières musulmanes.
Il était prévu que mes sœurs viennent me rejoindre à la fin du mois pour découvrir à leur tour les villages du Banc d’Arguin. Presque tous les jours, les femmes et enfants me demandaient : « Quand est-ce que tes sœurs vont venir ? »
Ensemble avec mes sœurs arrivées à la fin du mois, nous avons écouté avec intérêt les explications scientifiques données par le Chef de poste du Parc National, ainsi que l’Enquêteur de l’IMROP (Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des pêches, voir aussi leur site web). En effet, ils font un travail admirable dans le domaine de la préservation des écosystèmes, pour former les pêcheurs Imraguen sur les filets à utiliser à telle ou telle époque par exemple, sur l’espèce de poissons à pêcher. Ils surveillent que des bateaux à moteur n’entrent pas dans les eaux du Parc.
L’Enquêteur de l’IMROP enregistre quotidiennement la quantité et les espèces de poissons pêchés et toutes les autres données scientifiques liées à l’univers marin pour les envoyer à chaque fin de mois au Siège à Nouadhibou. Mine d’information pour des biologistes, sociologues, économistes… qui viennent y trouver des données pour leurs recherches. Pendant toute une matinée, nous avons eu la joie d’écouter ces deux hommes passionnés par leur métier.
Ma présence a été nourrie quotidiennement par la prière avec des extraits des lettres de S. Paul. Je me sentais un peu comme lui, envoyée aux nations lointaines pour y voir et expérimenter avec émerveillement que le Royaume de Dieu est tout proche.
Oui, là où est l’Amour, Dieu est présent.