Sur un partage de Sr Carmen Sammut
Ce cri du cœur — « N’oubliez pas les femmes ! » — m’est venu spontanément lors d’une audience privée avec le pape François en janvier 2015, à l’occasion du 50e anniversaire du PISAI (Institut Pontifical d’Études Arabes et d’Islamologie) à Rome.
Le pape venait de prononcer un magnifique discours sur la rencontre et le dialogue, insistant sur la vérité et la beauté semées par le Créateur dans le cœur de chaque personne, visibles dans toute expression religieuse authentique.
L’événement n’avait rien à voir avec les femmes en tant que telles, mais face au Pape, ce qui est sorti de mon cœur était profondément lié avec ce que je vivais. Le pape m’a pris la main et ne m’a pas laissé partir, en s’exclamant :
« Comment pourrais-je oublier les femmes ! L’Église est femme, la Vierge Marie aussi. Sans les femmes, il n’y a pas d’Église. »
Les femmes consacrées et leur rôle dans l’Église
Depuis mon élection à la présidence de l’Union Internationale des Supérieures Générales (UISG) en 2013, j’ai constaté à quel point les femmes consacrées étaient absentes des instances décisionnelles : Synodes, Assemblées générales du Dicastère pour la vie consacrée, réunions au Vatican…
Et pourtant, elles représentent le groupe le plus important dans la vie religieuse. Dans certaines régions du monde, elles ne sont même pas traitées avec la dignité qu’elles méritent.
Le Synode sur la famille : un combat pour la représentation
En octobre 2015, lors du Synode sur la famille, nous avons dû solliciter plusieurs cardinaux afin d’être représentées. Pendant que les religieux de l’USG (Union des Supérieurs Généraux) avaient 10 membres votants, nous n’avions droit qu’à trois places d’auditrices. J’étais l’une d’elles.
Le pape François assistait à toutes les sessions — à l’écoute, prenant des notes, hochait la tête, commentant parfois. Il y a partagé sa vision d’une Église synodale, qu’il a représentée par un triangle inversé.
Pendant une pause, je lui ai dit que nous lui avions écrit quatre lettres pour proposer des pistes d’intégration des femmes dans les processus décisionnels. Il m’a regardée droit dans les yeux et, avec peine, m’a assuré qu’il n’avait jamais reçu ces lettres.
Une nouvelle étape : le pape François écoute l’UISG
En mai 2016, le pape François a accepté notre invitation à participer à l’Assemblée générale de l’UISG. Il a répondu personnellement avec une note manuscrite — un geste fort.
Lors de cette audience, il a répondu à toutes nos questions. Concernant la participation des femmes à la gouvernance de l’Église, il a affirmé que les femmes consacrées, les laïques et les laïcs devaient être impliqués, tant au niveau paroissial qu’au niveau des dicastères romains.
Il nous a mises en garde contre les dangers du cléricalisme et du féminisme, et nous a encouragées à être dans une attitude de service, mais non de servitude.
Nous lui avons aussi demandé de créer une commission pour étudier la réadmission des femmes au diaconat. Il a accepté. Depuis, trois groupes de travail ont étudié cette question.
Le Vatican commence à évoluer
À la suite de notre rencontre de 2016, des changements concrets ont été mis en œuvre :
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Les femmes consacrées ont été invitées aux assemblées générales du Dicastère pour la vie consacrée.
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Elles ont été intégrées dans des réunions régulières au Vatican.
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Et grâce à la réforme de la Constitution apostolique, des femmes et des laïcs peuvent désormais diriger des bureaux de la Curie romaine.
Un geste fort : l’audience de 2019
Lors de l’audience de 2019, le pape François a posé un geste symbolique puissant. Refusant le grand fauteuil préparé pour lui, il a demandé qu’il soit retiré et que deux chaises similaires soient installées. J’ai ainsi pu m’asseoir à ses côtés, face à l’assemblée de sœurs.
Il a écouté mon discours avec attention, prenant des notes tout du long. Sa présence incarnait une conviction : les femmes ne sont pas valorisées uniquement pour ce qu’elles font, mais pour ce qu’elles sont.
Conclusion : humilité et courage
Lors d’une rencontre privée, le pape François m’a un jour conseillé de développer deux vertus : l’humilité et le courage. Je l’ai souvent vu les pratiquer lui-même.
Merci, pape François, pour votre écoute, pour vos actions, et pour votre engagement envers les femmes dans l’Église.









