Par Sr. Fides Mbabarempore
Alors que nous célébrons le Jubilé de la justice dans l’Église, il est frappant de constater à quel point le cardinal Charles Lavigerie, fondateur des Missionnaires d’Afrique, et le pape François partagent des traits apostoliques profonds. Bien que séparés par plusieurs siècles, tous deux incarnent une réponse prophétique aux besoins de leur époque. Leur témoignage nous offre un héritage de justice, de compassion et d’espoir.
Je voudrais souligner deux points clés qui résonnent particulièrement aujourd’hui :
Proximité avec les pauvres et les marginalisés
Le cardinal Lavigerie s’est courageusement opposé à l’esclavage en Afrique. Sa mission en Algérie lui a ouvert les portes d’autres régions du continent, où il a proclamé la Bonne Nouvelle avec la conviction que les Africains, une fois évangélisés, deviendraient eux-mêmes des apôtres. Sa foi et son espoir étaient remarquables, surtout à une époque où les Africains étaient souvent considérés comme « non civilisés » et exploités sans hésitation.
Pour Lavigerie, la vérité essentielle était l’amour sans limite de Dieu. Il souhaitait que les Africains découvrent cet amour et reconnaissent leur dignité en tant que personnes créées à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il croyait que cette prise de conscience leur donnerait les moyens de devenir eux-mêmes des missionnaires. Il est même allé plus loin, valorisant le rôle des femmes dans l’évangélisation, affirmant que
« malgré le zèle des missionnaires (masculins), leurs efforts ne porteront jamais suffisamment de fruits s’ils ne sont pas aidés par des femmes apôtres auprès des femmes » (L. 152).
Le pape François a perpétué cet esprit de proximité. Qu’il bénisse les enfants, les personnes âgées et les handicapés depuis sa papamobile, qu’il lave les pieds des prisonniers ou qu’il se rende dans des pays en crise, il envoie un message fort : Dieu vous connaît, vous aime et chérit votre dignité. Ses actions font écho à la vision d’autonomisation et d’inclusion de Lavigerie. C’est cet héritage que nous célébrons.
Dialogue avec des personnes de confessions et de cultures différentes
Le cardinal Lavigerie a vécu ce qu’il demandait à ses missionnaires. Il a embrassé sa mission dans le monde arabe et se considérait comme le père non seulement des chrétiens, mais de tous les peuples. Inspiré par les paroles de saint Paul « être tout pour tous » et par l’exemple des jésuites en Syrie, il a exhorté les missionnaires à manger, s’habiller et parler comme les personnes qu’ils servaient. Pour lui, briser les barrières était essentiel à l’Évangile.
Le pape François a poursuivi cette vision de dialogue et de fraternité. Dans Fratelli Tutti (« Tous frères et sœurs »), il nous rappelle que les différences de sexe, de race, d’âge, de religion ou de culture ne devraient jamais nous empêcher de nous rencontrer. Il a constamment dénoncé les injustices subies par les pauvres, les femmes et les nations exploitées par d’autres. À travers ses visites et ses rencontres avec les dirigeants d’autres confessions, il nous a montré que nous sommes bel et bien les enfants du même Père, appelés à nous aimer les uns les autres sans distinction.
Des apôtres inoubliables, un message opportun
Alors que nous célébrons le Jubilé de la justice, la vie du cardinal Lavigerie et du pape François nous rappelle que la justice est indissociable de l’amour, du dialogue et de la défense de la dignité humaine. Leur héritage nous invite à être une Église véritablement proche des pauvres, engagée pour la paix et ouverte à tous les peuples et à toutes les cultures.
Ce n’est pas seulement leur mission, c’est aussi la nôtre aujourd’hui.






