Devant la situation des migrants, les Sœurs de Notre-Dame d’Afrique et les Missionnaires d’Afrique ont envoyé une lettre à différents responsables politiques des pays européens, et de l’Union Européenne, en leur demandant d’aborder les causes de la migration et en proposant un changement de politique économique. En effet, en mai et juin, un grand nombre des migrants qui essayaient de rentrer en Europe ont perdu leur vie en Méditerranée. Malgré les nombreuses manifestations, déclarations et lettres des associations, individus et quelques politiciens, l’Union Européenne, et la plupart des gouvernements et politiciens européens, ont continué à renforcer la fermeture de leurs frontières et à empêcher l’entrée dans leurs pays aux migrants économiques et aux réfugiés politiques.
Cher (ère) Monsieur /Madame….
Nous devons transformer notre système économique :
Nous faisons appel à vous :
o Pour susciter dans votre propre [parti, gouvernement, parlement…] une réflexion sur les causes profondes de la migration et une autre sur la transformation nécessaire de notre système économique.
o Initier et poursuivre des réflexions publiques critiques sur les effets sociaux et écologiques, désastreux à long terme, d’une économie basée sur le seul profit et la croissance continue, et promouvoir des politiques qui réduisent les inégalités, assurent la protection des ressources naturelles et la création d’opportunités de développement pour tous.
o Éliminer progressivement les politiques existantes qui violent les droits économiques, sociaux et culturels des personnes.
o Faire des objectifs de développement durable (ODD) les principes directeurs de toutes les politiques gouvernementales au niveau national et européen.
À moins que nous ne commencions à créer des conditions qui favorisent le développement pour tous, réduisent les inégalités criantes et protègent les ressources naturelles au bénéfice des générations futures, les migrants continueront à venir !
Sincèrement vôtre …
Aborder les causes profondes de la migration
La discussion animée sur la façon de sauver les réfugiés et de leur offrir une vie sécurisé et digne, ignore souvent les causes profondes de la première raison pour laquelle ils quittent leur maison. Si l’Europe ne commence pas à analyser et à traiter ces causes profondes, les réfugiés continueront à venir.
Beaucoup de réfugiés désespérés qui traversent la Méditerranée fuient les horreurs des guerres, les conflits locaux et/ou les dictatures brutales. Beaucoup d’autres sont des migrants «économiques». Ils fuient la misère. Pour un bon nombre de cas, leur misère a été provoquée par l’expropriation de leurs terres ancestrales en faveur d’investisseurs, par des accords commerciaux beaucoup plus favorables aux pays hautement industrialisés qu’à l’Afrique et par le pillage des riches ressources minérales de l’Afrique, sans bénéfice pour la population locale.
L’aide au développement, il faut le dire, n’est pas une réponse adéquate, car trop souvent, elle favorise le donateur plus que le récepteur. L’Afrique a besoin d’être aidée à augmenter la productivité de ses petits agriculteurs, à développer ses propres marchés et à transformer ses propres richesses, qui sont considérables, en matières premières. Les migrants continueront à venir si nous n’abordons pas les causes profondes.
Les politiques passées et présentes ont créé des niveaux inacceptables d’inégalité, conduit à des tensions sociales et à des conflits violents et contraint les gens à la migration. Les programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale dans les années 80 ont contraint les pays endettés à modifier leurs politiques agricoles afin de produire pour l’exportation, et non pas pour les besoins de la population locale. En conséquence, les pays ont perdu leur sécurité alimentaire, sont devenus dépendants des importations alimentaires et ont été exposés à la fluctuation des prix sur le marché mondial.
Lorsque les pays européens ont commencé à exporter leurs excédents agricoles fortement subventionnés à des prix de dumping sur les marchés des pays en développement, les producteurs locaux ont été poussés hors du marché et se sont retrouvés ruinés. Depuis l’époque coloniale les pays industrialisés, et maintenant avec eux les économies émergentes, pillent l’Afrique de ses nombreuses ressources en minéraux, pétrole, gaz, poisson, bois et terre sans aucun profit tangible pour la population locale, détruisant souvent ses moyens de subsistance et l’appauvrissant encore davantage.
Depuis la crise de 2008, les pauvres sont privés de leur dernière ressource : leurs terres. Souvent sous la pression de la Banque mondiale et du FMI les gouvernements permettent aux investisseurs étrangers et locaux de faire tort aux agriculteurs locaux. Les nouveaux propriétaires doivent produire des aliments pour nos vaches et des biocarburants pour nos voitures dans l’Ouest ! Pendant ce temps les personnes expulsées sont obligées de rejoindre les rangs des pauvres en milieu urbain ou d’essayer par tous les moyens d’atteindre l’Europe.
L’imposition forcée des accords de libre-échange et d’investissement tels que les Accords de partenariat économique (APE) ne font qu’enrichir les investisseurs étrangers et les élites locales tout en poussant les pauvres plus avant dans la pauvreté.