En souvenir de toutes les sœurs qui ont quitté le Brabant (aux Pays Bas) à la « Grande Heure de la Mission », nous vous racontons l’histoire de Sœur Trinitas
La diffusion de la Parole de Dieu
C’est une histoire aussi vieille que le christianisme lui-même.
Jésus l’a dit à ses disciples : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ce cri de ralliement est tombé sur un sol fertile dans le sud catholique des Pays-Bas. À partir de 1895, des centaines de femmes sont parties du monastère « Sancta Monica » à Esch dans le Brabant, la Maison Mère de la congrégation aux Pays Bas.
Entre 1900 et 1960 environ, le Brabant du Nord compte le plus grand nombre de congrégations néerlandaises et c’est un fournisseur de missionnaires de premier plan. Ce n’est pas sans raison que cette période est appelée la « Grande Heure de la Mission ». L’une de ces missionnaires, c’est Sœur Trinitas.
Gertrudis Koop (Soeur Trinitas, 1912-1999) est issue d’une famille aux profondes motivations religieuse et sociale. Elle a sept ans lorsqu’elle lit des journaux de missionnaires sur des enfants africains et elle décide qu’elle veut faire quelque chose dans ce contexte quand elle sera grande. À l’âge de 19 ans, appelée à devenir religieuse missionnaire, elle entre au postulat et commence sa formation chez les Sœurs Blanches, à la maison mère de « Sancta Monica » à Esch. Lors de ses premiers vœux en 1933, Gertrud reçoit le nom de Soeur Trinitas.
Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique
Charles M. Lavigerie (1825-1892), archevêque d’Alger (Algérie), a fondé la congrégation des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique en 1869. L’Afrique du Nord était le berceau de l’ancienne chrétienté à l’époque de Saint Augustin (354-430), lorsque la bande côtière nord-africaine était encore une province de l’Empire romain occidental chrétien. Le rêve de Lavigerie est de répandre l’Évangile dans toute l’Afrique. Il ne voit pas seulement des Eglises sur la côte nord, mais sur tout le continent. En 1868, il fonde la Société des Missionnaires d’Afrique à Alger et un an plus tard, en 1869, il fonde une branche féminine, pour atteindre les femmes musulmanes et leurs enfants, les Pères avec une longue barbe, une chéchia rouge et un burnous, les sœurs avec un long voile blanc, d’où leur surnom de Pères Blancs et de Sœurs Blanches. Suivant la spiritualité du fondateur, ils doivent être prêts à « devenir tout à tous », ne reculant pas devant les difficultés, même la mort, pour l’extension du Royaume de Dieu ».
Sa principale consigne pour réussir la transmission de la foi au peuple africain, c’est : « Vous parlez leur langue – vous mangez comme eux – vous vous habillez comme eux ».
Bien que la congrégation soit très française dans les premières années, des sœurs d’autres nationalités suivent sans tarder. En 1940, deux cent trente Sœurs Blanches néerlandaises travaillent en Afrique.
Les Sœurs Blanches sont affectées à diverses communautés de mission en Afrique du Nord mais aussi en Tanzanie, au Kenya, en RD Congo, en Zambie, au Ghana, au Burkina Faso, au Rwanda, au Burundi et en Ouganda. Elles se concentrent principalement sur l’enseignement primaire, l’éducation ménagère, les cours de religion, les soins de santé, les soins apportés aux jeunes, spécialement aux femmes, et les visites à domicile.
Soeur Trinitas au Malawi
Soeur Trinitas reçoit sa formation religieuse et médicale à Esch et à Alger. En 1940, elle est prête à partir pour l’Afrique centrale. Elle est conseillée par sa supérieure : « Vois s’il y a de l’eau, une terre fertile et commence à cultiver pour pouvoir au moins te nourrir. » C’est un voyage en bateau de six semaines et la Seconde Guerre mondiale vient de commencer. Le bateau doit naviguer dans l’obscurité, avec toutes les fenêtres et les rideaux bien fermés. C’est un voyage dangereux ; la mer Méditerranée, le canal de Suez, la mer Rouge et l’océan Indien sont parsemés de mines. Une fois arrivée saine et sauve au Malawi, pendant les six premiers mois, elle apprend la langue locale, le Chichewa, ainsi que les coutumes et la culture locales. Puis elle part pour son lieu de mission dans la ville de Likuni. À son arrivée, elle et plusieurs autres sœurs commencent immédiatement à donner des soins médicaux aux habitants et à former des sages-femmes malawiennes.
Confrontée à la forte mortalité des enfants dans leur première année de vie, malgré tous les efforts déployés dans le domaine de l’hygiène et des soins pré et postnatals, Sœur Trinitas entreprend des recherches et découvre que les enfants ne meurent pas de faim, car il y a suffisamment de nourriture. Le coupable est en fait une carence en protéines. Elle développe alors une bouillie riche en protéines, facile à préparer avec des produits locaux : deux unités de maïs, une unité de fèves et une unité d’arachides mélangées à du lait ou à de l’eau et un peu de sucre. Likuni Phala (Bouillie Likuni) est née en 1968 et, après plus de recherche, elle reçoit en 1978 l’approbation de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (actuel Programme Alimentaire Mondial), en tant que produit alimentaire de haute qualité. Une usine est construite au Malawi et la Likuni Phala est produite à grande échelle, avec le Programme Alimentaire Mondial comme client le plus important. La bouillie peut être fabriquée avec des produits locaux, ce qui la rend abordable pour les plus pauvres d’entre les pauvres.
Après des années de travail dévoué, elle devient infirmière principale et dirige le cours d’infirmières et de sages-femmes. L’hôpital compte désormais 160 lits, mais il y a souvent beaucoup plus de patients. Sœur Trinitas est très pratique ; les problèmes sont là pour qu’elle les résolve.
Une mère pour tous les peuples
Entre-temps, le Malawi est devenu une nation indépendante en 1964. Toute personne qui ne possède pas de diplôme d’infirmier malawien doit quitter le pays. Une exception est faite pour Sœur Trinitas en raison de sa renommée nationale. Sous le régime dictatorial du président Hastings Banda, Sœur Trinitas n’a pas peur de s’exprimer ouvertement. Elle risque plusieurs fois d’aller en prison, mais elle est aidée par les épouses des hommes des milieux gouvernementaux, qu’elle a aidées à accoucher. En 1974, l’hôpital de Likuni est transféré au personnel malawien. Au fil des ans, Sr Trinitas a formé au total 300 infirmières et sages-femmes. A 62 ans, elle est transférée dans un autre lieu de mission. Cette fois avec une clinique mobile, Sœur Trinitas se rend dans des villages éloignés pour présenter la Likuni Phala et sensibiliser à une alimentation et une à hygiène correctes pour prévenir les maladies. Au Malawi, Sœur Trinitas est la mère de tous les habitants, jeunes, vieux, riches et pauvres. « Notre travail n’est pas une chasse aux âmes. Je n’ai jamais eu l’occasion de le faire », dit-elle dans une interview accordée à un journal.
Les temps ont changé
À cette époque, l’appel à l’indépendance des Eglises se fait de plus en plus pressant. Après le Concile Vatican II (1962-1965) – sur la modernisation de l’Eglise – le Pape appelle les chrétiens africains à poursuivre seuls, le travail missionnaire et le développement de l’Eglise.
En conséquence, à la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle de nombreuses sœurs occidentales retournent dans leur pays. Ce sont des années de profonds changements culturels et les Sœurs Blanches n’échappent pas à ce nouveau contexte, bien qu’elles travaillent dans un profond respect de la culture locale et qu’elles gèrent leurs activités de manière à ce que l’on se passe d’elles.
Missionnaire un jour, missionnaire toujours !
Tout comme Soeur Trinitas, plus de 3.000 femmes ont fait leurs vœux en tant que Soeurs Blanches, dont environ 500 des Pays-Bas. Aujourd’hui, il y a encore 40 sœurs néerlandaises, toutes vivant aux Pays-Bas. La « maison mère néerlandaise Sancta Monica » à Esch a été vendue et la plupart d’entre elles ont déménagé dans une maison à Boxtel qui depuis, a été transformée en un centre interculturel et multireligieux contemporain appelé « Wereldhuis » (Maison du monde), dans lequel nos sœurs vivent ensemble avec des résidents d’origine islamique, indonésienne et néerlandaise. Un certain nombre de Sœurs Blanches vivent également à Eindhoven, à Nuland et à Etten-Leur, avec d’autres congrégations religieuses. Malgré leur âge, elles sont toujours engagées envers leurs semblables et envers la paix et la justice dans le monde.
Missionnaire un jour, missionnaire toujours !
Cet article est basé sur un article plus long écrit par l’historienne Sabine Ticheloven avec la coopération de Marina van Dalen, coordinatrice/gestionnaire nationale SMNDA-NL, avec les photos du propre livre de Sr Trinitas Koop, conservé dans les archives des SMNDA au Centre de l’héritage religieux à Sainte-Agathe aux Pays-Bas. L’article original a été publié da