Sr Suzy Hadermann, en Belgique, partage avec nous son expérience du Chapitre de 1981. C’était le chapitre qui répondait au désir de l’Eglise de voir les congrégations réécrire leurs Constitutions, les « mettre à jour » (« aggiornamento » en italien). Le chapitre de 1981 a donc été consacré principalement à cette tâche, très importante puisqu’il s’agissait de nous redire ce que nous voulons vivre, ce à quoi nous sentons que le Seigneur nous appelle pour participer à sa Mission.
Deux aspects m’ont marquée tout spécialement pendant ce chapitre :
– Nos Constitutions sont le fruit de la participation de toutes les sœurs de la Congrégation
– L’Esprit nous a accompagnées et a travaillé avec nous tout au long de ce processus
La participation de toutes les sœurs :
Le travail en vue de réécrire nos Constitutions a commencé plusieurs années avant le chapitre. Nous avons toutes été invitées à nous réapproprier notre charisme en nous replongeant pendant un an dans les écrits du Cardinal Lavigerie et de Mère Marie-Salomé. Ce fut l’année du « retour aux sources » (1978). Toutes les communautés ont ensuite partagé le fruit de cette année en envoyant au Conseil Général les éléments qui, selon elles, devaient figurer dans nos Constitutions pour garder vivant et agissant le charisme, c’est-à-dire le cadeau que Dieu a fait à son Eglise pour l’Afrique et pour le monde à travers le Cardinal et Mère Marie-Salomé.
A Rome (le généralat se trouvait à Frascati près de Rome), une équipe a travaillé avec le Conseil général pour élaborer un projet de Constitutions, à partir de ce que les sœurs avaient écrit. Ce projet de Constitutions a ensuite été envoyé à toutes les communautés et nous avons été invitées à l’étudier, puis à donner notre avis, nos suggestions, nos questions. Si je me souviens bien, l’équipe de préparation a réaménagé le projet de Constitutions en intégrant toutes ces réactions.
Ces réponses des communautés, je les vois encore ! Nous pouvions les consulter dans les classeurs étalés sur une grande table au fond de la salle du Chapitre.
Chapitre général de 1981 : les sœurs rassemblées autour de Notre-Dame du Vœu à la maison généralice à Frascati, Rome
Nous étions réparties en groupes de travail (français ou anglais), et chaque groupe avait un des thèmes à étudier : en partant du projet et des réactions et de toutes les sœurs, il s’agissait d’écrire ce qui allait devenir nos Constitutions. Travail passionnant ! Pas facile parfois de se mettre d’accord sur tel ou tel aspect, puis d’arriver à exprimer l’essentiel dans un langage accessible à toutes ! Chaque mot était pesé, rien n’était laissé au hasard. Le tout, bien sûr, porté dans la prière. Et quand enfin le groupe était arrivé à écrire d’une manière qui lui paraissait la meilleure les numéros des Constitutions se rapportant au thème qui lui était confié, le « résultat » était traduit dans l’autre langue et envoyé aux autres groupes, qui devaient l’examiner tout en continuant à travailler leurs propres thèmes.
C’était une étape difficile à vivre, car il fallait « lâcher prise », se défaire de ce texte et le laisser entre les mains des autres groupes. Ensuite, quand les autres groupes étaient prêts, nous avions une séance en plénière, où les autres groupes donnaient leur avis sur le texte que nous avions préparé. Souvent ils suggéraient des changements, soit sur le fond soit sur la forme. C’était d’autant plus compliqué que les remarques venaient aussi bien d’autres groupes travaillant dans la même langue, que de groupes travaillant dans l’autre langue. Ainsi, par exemple, notre groupe francophone recevait la traduction en français de ce que les groupes anglophones avaient dit, eux qui avaient travaillé sur la traduction en anglais de notre texte d’origine !
Notons au passage le rôle important, dans un chapitre, des personnes qui assurent la traduction !
Le groupe devait alors reprendre son texte d’origine et le retravailler en essayant d’y intégrer les remarques faites par les autres. Quand un groupe avait terminé, le texte était à nouveau distribué à toutes, et on arrivait aux séances de votes. Pour qu’un texte soit accepté pour les Constitutions, il devait recevoir au moins deux tiers des voix.
C’était la responsabilité du « comité central » de suivre l’évolution du travail de chaque groupe, afin de déterminer l’agenda des sessions en plénière.
Tout cela paraît bien compliqué, mais nous fait prendre conscience de l’importance de nos Constitutions : chaque paragraphe, chaque phrase, chaque mot a été porté dans la prière, pesé, réfléchi, étudié avant d’être placé dans ce livre. C’est important, puisqu’il s’agit de textes qui disent notre raison d’être, et qui vont être source d’inspiration pour toutes les sœurs actuelles et à venir !
Et quand tous les articles des Constitutions avaient été votés un à un, il y avait encore le vote final pour l’ensemble du livre. Lors de ce vote final, il régnait un sentiment de satisfaction, d’accomplissement !
Mais il restait encore une étape, qui allait être vécue après la fin du chapitre : nos Constitutions devaient être présentées pour approbation à la Sacrée Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, le dicastère (organe d’Eglise) dont nous dépendions à l’époque. C’est une étape importante, car l’Eglise a autorité pour examiner si les Constitutions ou Règles de vie qu’on leur soumet sont des chemins authentiques pour suivre le Christ selon son Evangile, dans la vie consacrée. C’était donc encore une expérience de désappropriation d’accepter le regard et l’approbation d’autres sur le résultat de notre travail. Le décret d’approbation est la première page de nos Constitutions (31 mai 1982).
Il m’a semblé évident que l’Esprit travaillait avec nous tout au long de l’élaboration des Constitutions : tout d’abord, dans la prière personnelle et communautaire des membres du chapitre, et aussi de toutes les sœurs de partout qui portaient le chapitre dans leur prière, comme nous le faisons actuellement pour le chapitre de cette année.
L’Esprit était présent dans l’expérience de désappropriation vécue par chacune, quand il s’agissait de s’écouter les unes les autres dans le groupe, puis d’écouter ce que les autres groupes avaient à nous dire par rapport à notre travail… et, comme point final, d’écouter l’avis de ceux qui ont autorité dans l’Eglise pour authentifier les Constitutions.
Ce qui me montre aussi le travail de l’Esprit avec nous, c’est la beauté de nos textes. Quand on sait à quel point chaque phrase a été tournée et retournée dans tous les sens, soupesée, changée, et qu’on voit la beauté, l’unité de ces textes comme s’ils avaient été écrits d’une traite par une seule personne, on sent qu’à travers toute cette recherche des capitulantes et de toutes les sœurs, c’était l’Esprit qui était à l’œuvre.
Pour moi, l’attitude la plus importante d’une capitulante, qu’elle soit déléguée ou membre de droit, c’est d’abord la prière, la conviction que Dieu est là et peut faire des merveilles si nous le laissons agir. Pour que Dieu puisse agir, nous devons être à l’écoute de ce qu’il veut nous dire à travers les autres, les événements, le monde. Et, spécialement pour les déléguées, se rappeler qu’il s’agit de toute la Congrégation et de sa Mission, et pas seulement de l’entité qui m’a déléguée, de ma communauté, de « ma Mission ».
Cette attitude de prière confiante, de remise de soi, d’ouverture d’esprit et de cœur est aussi particulièrement importante lors de l’élection du nouveau Conseil Général.
Passage très délicat, car il s’agit de personnes, et cela retentit forcément dans notre sensibilité.
Dites-vous bien qu’à ce moment-là aussi, toutes vos sœurs de partout seront avec vous dans la prière, et dans l’attente de celles que, à travers vos délibérations et vos votes, Dieu va donner à la congrégation pour les années à venir.
Sr Suzy Hadermann, Belgique
Un article sur Partage Trenta Aprile N° 1-2023