Sr Theopista Nakamya Mbabazi, dans la communauté de Nairobi South B, Kenya, partage son expérience dans les bidonvilles de Nairobi : dans deux rencontres avec des femmes, elle partage comment l’Amour transformateur du Seigneur Ressuscité l’a appelée à être humble et petite afin de relever d’autres…
Clémentine, originaire du Rwanda, s’est retrouvée dans une situation stressante au Kenya après avoir été trompée par un étranger. Elle a été amenée au Kenya en 2017. Elle a trois filles, une qu’elle a laissée au Rwanda, une autre avec laquelle elle est venue au Kenya et une autre qu’elle a mise au monde alors qu’elle était au Kenya. Quelqu’un de son village avait proposé à Clémentine de l’emmener au Kenya pour qu’elle se marie à un homme aisé. Elle avait accepté. Arrivée au Kenya, elle fut emmenée à Nyeri (Othaya) où elle rejoignit un homme, vivant avec lui dans une relation de concubinage. L’homme parlait une langue étrangère qu’elle ne comprenait pas. Il était agent de sécurité chez quelqu’un. En 2018, ils ont eu une fille qui est née dans un centre de santé local, mais qui n’a pas été enregistrée.
Ils survivaient grâce au salaire de l’homme. En 2020, l’homme est tombé malade. Emmené à l’hôpital, il abandonna Clémentine. Elle fut recueillie avec ses filles par une dame qui les amena dans un orphelinat à Dagorretti, dans le sud du comté de Nairobi. En juin, visitant une personne rwandaise qui vivait dans ce foyer, on me parla d’une femme rwandaise qui ne parlait jamais. J’ai demandé à la voir. C’est ainsi que j’ai connu l’histoire de Clémentine. Ils n’en croyaient pas leurs yeux lorsqu’ils nous ont vus parler. Elle ne parlait pas à cause de la barrière de la langue, car elle ne comprenait pas le kiswahili. Comme elle ne parlait à personne, sa mélancolie s’aggravait. J’ai proposé au responsable du foyer de la faire sortir de temps en temps pour qu’elle puisse rencontrer d’autres personnes. Chaque fois que nous parlions, son souhait était le même : rentrer chez elle. Avant d’arriver au Kenya, elle cultivait la parcelle de sa mère et vivait dans la maison qu’elle avait héritée d’elle.
Pour faciliter son rapatriement, j’ai fait appel à « Human Trafficking Trust-East Africa », basé dans la paroisse Our Lady Queen of Peace à South B. Mr Francis m’a aidée pour savoir si la maison de Clémentine était encore disponible. Par l’intermédiaire d’une soeur des Filles du Cœur de Marie à Kigali, nous avons pu confirmer que la maison et la fille aînée étaient bien là. Mais Clémentine n’avait pas de documents ! Heureusement, l’ambassade du Rwanda a accepté de fournir les documents de voyage pour la femme et ses deux filles. Le grand défi fut de trouver les moyens pour leur voyage et leur installation à la maison. J’ai été accueillie à bras ouverts par Soeur Jacqueline, responsable du programme « Religieuses contre le trafic d’êtres humains » au Centre Tumaini de Nairobi à qui j’avais raconté toute cette histoire. J’ai maintenant bon espoir que la famille sera bientôt relogée.
Un autre jour à Kayore, où je vais rencontrer nos frères et sœurs réfugiés, je me souviens d’une matinée où de nombreuses questions n’avaient pas trouvé de solutions et je me sentais accablée. Vers midi, j’ai décidé de prendre la route étroite et sinueuse qui monte à l’arrêt de bus pour rentrer chez moi. J’ai alors entendu une femme, Claudine, qui m’appelait, d’une voix chargée de tristesse :
« Ma soeur, ne passez pas votre chemin, venez me rendre visite… »
Je n’oublierai JAMAIS la tristesse de sa voix ! Je me suis retournée et je suis entrée dans une petite pièce qu’elle louait, que la femme appelait sa maison. Mes yeux ont immédiatement vu un enfant infirme allongé dans un coin caché et obscur de la pièce. En le regardant, j’ai vu l’image de Jésus sans pieds ni mains et j’ai senti une voix intérieure me chuchoter que Jésus ressuscité m’appelait à le suivre et à apporter de l’espoir à ceux qui étaient désespérés. Cela m’a donné l’énergie de sortir de moi-même et de prendre ce petit corps dans mes bras, de sentir ce corps aux mains impuissantes et aux jambes minuscules qui ne pouvaient pas le soutenir, qui luttait pour respirer. Alors qu’elle était enceinte la femme avait fui son pays à cause de la guerre. Elle avait accouché dans la forêt, sans personne pour l’aider, sans tissu pour couvrir le bébé. Lorsqu’elle quitta la forêt, le bébé était malformé et presque mourant.
En atteignant le Kenya, leur sécurité, en tant que réfugiés était assurée, mais la santé de l’enfant se dégradait de jour en jour. Lorsque j’ai rencontré cette famille, la mère était prête à laisser mourir l’enfant et de s’occuper seulement de ses trois autres enfants. Son mari était mort dans la forêt. Avec d’autres aides, la décision a été prise d’emmener Claudine et Jack à la maison d’accueil des Missionnaires des Pauvres. La mère donna son accord en disant :
« Que Jack aille là où il trouvera la vie, car s’il reste ici avec moi, je ne vois que sa tombe… ».
Après trois mois au centre, Jack était un autre enfant ! Il s’était bien rétabli. Sa mère avait rejoint le groupe de mamans réfugiées appelé « Colombe de la paix ». Les membres se réunissent pour des réflexions en groupe, s’écoutent et se soutiennent mutuellement dans les moments difficiles, et se redonnent espoir en l’avenir. En fait, leur devise est
« une belle vie est possible à l’avenir … faisons tout pour y arriver ».
Ces deux expériences m’ont fait ressentir au plus profond de moi un appel à tendre la main et à apporter de l’espoir à ceux qui sont sans espoir dans notre monde d’aujourd’hui. Le Christ sait parfaitement comment s’occuper des autres. Lorsque le Sauveur tend les mains, ceux qu’il touche se relèvent et deviennent des personnes plus fortes et meilleures.
En prêtant mes mains et mes pieds au Seigneur ressuscité, il travaille à travers moi et en moi aussi.