La protection des mineurs est un aspect crucial de notre apostolat.
Au début de cette année, Sr. Justine Akampamya a obtenu un diplôme de protection (Safeguarding) à l’Université Grégorienne de Rome. Ce cours de cinq mois lui a permis de se familiariser avec les nombreuses questions qui touchent à la sauvegarde dans divers domaines. Elle a également appris à mettre en pratique les compétences nouvellement acquises et a élaboré un plan d’action pour le contexte culturel du Tchad. Sœur Justine nous fait part de son expérience.
Je suis heureuse d’avoir suivi une formation sur la protection des mineurs.
En tant que filles de Lavigerie, nous sommes passionnées par la justice, la paix et l’intégrité de la création. Aujourd’hui, mon analyse personnelle intègre la protection de l’être humain dans « l’intégrité de la création ». Nous sommes une création unique.
Les enfants de cet univers doivent être élevés de manière intégrale pour faciliter leur développement holistique. En tant qu’éducatrice qui passe la plupart de son temps avec des enfants et des jeunes dans les écoles, cette formation a éclairé ma compréhension et a apporté des réponses à des questions qui n’avaient pas trouvé de réponse durant de nombreuses années dans mes rencontres avec des jeunes, tant en classe qu’à l’extérieur.
La sauvegarde des mineurs est une nécessité ; il ne s’agit pas tant de protection que de mesures prises pour promouvoir le bien-être des enfants et les protéger contre les abus et les mauvais traitements.
L’objectif n’est pas de déterminer qui est l’agresseur ou la victime, mais plutôt d’empêcher que l’abus ne se produise. Telle est notre mission aujourd’hui. Elle ne peut se réaliser qu’en travaillant en collaboration avec d’autres personnes, dans divers domaines, tels que des conseillers, des psychologues, des chefs locaux et des fonctionnaires.
Au cours des trois dernières années, j’ai rencontré des jeunes garçons et des jeunes filles souffrant de mauvais traitements, qu’il s’agisse de négligence ou d’abus sexuels. La plupart de ces enfants présentent des troubles post-traumatiques dans le cadre de l’apprentissage. Ils ont besoin d’une attention articulière, il faut certainement que quelqu’un soit présent pour écouter leur histoire. Dans la plupart des cas, nous les jugeons et les marquons u fer rouge sans le savoir, alors qu’ils ont une histoire douloureuse à raconter.
La meilleure approche est celle à laquelle le pape François nous invite, dans sa lettre « Sa Sainteté le Pape François au peuple de Dieu » (20 août 2018) :
« Il est essentiel que nous puissions, en tant qu’Église, reconnaître et condamner, avec douleur et honte, les atrocités perpétrées par des personnes consacrées, des clercs et de tous ceux à qui était confiée la mission de veiller et de prendre soin des plus vulnérables. Demandons pardon pour nos propres péchés et ceux des autres. La conscience du péché nous aide à reconnaître les erreurs, les crimes et les blessures causés dans le passé et nous permet, dans le présent, d’être plus ouverts et engagés sur un chemin de conversion renouvelée… ‘ Si un membre souffre, tous souffrent avec lui ‘, disait saint Paul. Par une attitude de prière et de pénitence, nous deviendrons attentifs, comme individus et comme communauté, à cette exhortation, afin de grandir dans les dons de compassion, de justice, de prévention et de réparation ».
Avec la conviction d’offrir une contribution à cet apostolat délicat, j’ai élaboré un plan préventif de sauvegarde pour les écoles de notre paroisse
« Notre Dame de la Trinité » à Deli, au Tchad : former d’abord une équipe qui pourra à son tour sensibiliser les jeunes, les étudiants, les parents et la communauté dans son ensemble. Après avoir partagé mes projets avec le vicaire général du diocèse et l’évêque, le plan a été adopté pour que l’équipe diocésaine de « Sauvegarde » s’occupe de tous les groupes de jeunes.
Il existe de nombreuses opportunités pastorales pour promouvoir le programme. Le diocèse a ouvert ses portes à la protection des mineurs. Il y a déjà une équipe diocésaine de sauvegarde qui ne demande qu’à être renforcée, les jeunes sont à notre portée dans les écoles et des mouvements d’apostolat laïcs actifs existent. Le diocèse dispose d’experts en droit canonique, de médecins, de directeurs spirituels ainsi que d’éducateurs parmi les religieux et les religieuses, les prêtres et les fidèles laïcs. Cependant, il existe de grands défis pastoraux qui risquent de faire avancer les activités à une lenteur d’escargot :
- Il s’agit notamment de la mentalité culturelle qui considère les mauvais traitements et les mariages précoces comme normaux.
- Les victimes ignorent les possibilités d’accompagnement, ou sont incapables de dévoiler le problème et d’être aidées. Elles craignent de
dénoncer leur famille ou le coupable d’abus sexuel, ce qui les oblige à s’unir à l’auteur de l’abus, provoquant ainsi le blâme des victimes et le soutien de l’auteur de l’abus. Il existe également une forte culture du silence. - Dans le contexte du diocèse, il y a un manque de compétences pour accompagner les victimes d’abus, il n’y a pas de centres de réhabilitation pour les auteurs d’abus.
Malgré tous ces obstacles, je suis convaincue qu’avec les ressources humaines dont nous disposons, il est possible de faire connaître le message
de prévention à un grand nombre de personnes et de sensibiliser les jeunes à différents niveaux pour qu’ils développent la capacité d’identifier un abus ou un environnement qui facilite l’abus et qu’ils aient le courage de le signaler lorsqu’il se produit.
La sensibilisation crée un espace de partage et d’écoute. C’est une activité qui demande de la patience et de la persévérance lorsque les victimes
ou les survivants révèlent leur histoire. C’est la responsabilité de tous les adultes.
Je suis reconnaissante aux supérieures de m’avoir donné cette opportunité d’approfondir le thème de la prise en charge des personnes vulnérables, en particulier les mineurs.
Ici le lien à la LETTRE DU PAPE FRANÇOIS AU PEUPLE DE DIEU