« Mais où est votre maison-mère ? » nous demande-t-on. Une « maison-mère », c’est normalement là où une congrégation religieuse est née et où on se retrouve avec joie en diverses circonstances (professions religieuses, chapitres généraux…)
C’est bien connu, les Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique ont une âme de nomades !!! Notre maison-mère n’échappe pas à la règle, puisqu’elle a subi bien des transformations et des déménagements suivant les vicissitudes de l’histoire !
Notre Congrégation est née à Alger, en 1869 à l’initiative de l’évêque, Mgr Charles Lavigerie. A l’époque où il y arrive, la famine sévit dans le pays. Il fait appel à toutes les bonnes volontés sur place et à l’extérieur, pour accueillir les nombreux orphelins. Où loger tout ce monde ? Ce fut d’abord dans un local du quartier de Ben Aknoun. Mgr Lavigerie fit ensuite l’acquisition d’un vaste domaine à Kouba. Les 300 orphelines s’installèrent dans la maison et ses dépendances. Mgr Lavigerie donna à ce domaine le nom de son saint patron : Saint Charles.
Depuis son arrivée en Algérie, Mgr Lavigerie voyait de plus en plus nécessaire la fondation d’une Congrégation dont le genre de vie serait adapté au pays. Il envoya l’abbé Le Mauff en Bretagne chercher « les quatre pierres angulaires » de la future congrégation ! Huit jeunes filles répondirent à l’appel et débarquèrent à Alger, le 9 septembre 1869. Mgr Lavigerie les installa à Saint Charles.
La maison-mère a été pendant longtemps le centre de toutes les activités de la jeune Congrégation : maison de formation, orphelinat, imprimerie, sanatorium, lieu de résidence du Conseil général…
De Saint Charles, les sœurs partaient pour différents pays d’Afrique, d’où arrivaient, de loin en loin, des nouvelles des sœurs déjà présentes en Tanzanie depuis 1894, au Congo depuis 1895, au Soudan Français (Mali) depuis 1897, en Ouganda depuis 1899…
C’est à la maison-mère que se firent plusieurs chapitres généraux. C’est là aussi que se retrouvaient les novices de seconde année, originaires d’Europe et d’Amérique (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Suisse, Luxembourg, Espagne, Grande-Bretagne, Malte, Canada, États-Unis…) Des « caravanes » de 30, 40 novices de nombreuses nationalités débarquaient à Saint Charles pour vivre une année internationale avant d’être envoyées en mission dans toute l’Afrique. Il y avait une grande effervescence à la maison-mère ! Les jeunes sœurs recevaient des cours de Bible, de théologie… et aussi d’arabe. Elles étaient envoyées en stage dans les communautés présentes en Algérie, en Kabylie, au sud du Sahara, dans la casbah d’Alger…
C’est à Saint Charles que le 18 octobre 1930 s’éteignit la première supérieure générale. On pourrait dire la « co-fondatrice », Mère Marie Salomé, originaire de Guisseny en Bretagne et qui mena sa barque au milieu de bien des tempêtes !
La petite Congrégation, fondée par Mgr Lavigerie, a bien grandi. L’appel à la vie religieuse missionnaire a été entendu par de très nombreuses jeunes filles. Le 9 septembre 1869, elles étaient huit à débarquer de leur Bretagne natale pour commencer la fabuleuse aventure de la vie missionnaire en Afrique ! En 1945, il y a 1454 sœurs réparties dans 160 communautés ! La période de 1939-1945 fut particulièrement troublée : bombardements sur Alger, impossibilité pour les Sœurs dispersées à travers le monde de communiquer avec la maison-mère… Au fil des ans et des indépendances, il s’avéra nécessaire de transporter les différents services de la maison-mère à Rome. Ce qui devint la maison généralice (siège du Conseil général) s’installa en 1964, près de Rome, à Frascati.
Et Saint Charles ? Une communauté des Sœurs de St Augustin y avaient installé un pensionnat. En 1974, les bâtiments furent vendus au ministère de la Santé. La Congrégation garda toutefois un bâtiment parallèle qui devint, pour un temps, le siège de la Province d’Afrique du Nord.
Saint Charles, à Kouba, demeure le berceau de la Congrégation. Au cours de toutes ces années, les différentes générations de Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique y ont vécu de grands moments de joie, de rencontres, de ressourcement…Elles y ont aussi beaucoup travaillé… Il y eut des moments difficiles. Il fallut beaucoup de souplesse et de foi pour accepter de quitter ce lieu qui nous était si cher.
Comme l’écrivait une sœur en 1974 : « La foi au travail de l’Esprit dans la Congrégation est plus qu’une phrase… C’est dans les moments durs que j’ai réalisé la force d’un passé qui vous enracine plus que nous ne le croyons dans la Mission. »
Sœur Suzanne