Sr Marie Ange à Nouakchott, Mauritanie, se joint à une mission pour porter des arbres dans les écoles. Voici son rapport.
Jeudi, 24 novembre 2022, je me suis réveillée quand il faisait encore nuit pour commencer quatre heures de route vers Boghe. J’étais bien enrhumée, sans voix, mais mon cœur était plein de vie. Je voulais enfin réaliser un projet mûri depuis presque une année avec trois jeunes gens de l’Association Soleil des Enfants : Yahya, Abdoul et Dawda, qui étaient prêts avec leurs sacs à dos. Il faisait bien froid ce matin-là. Avant notre départ, nous nous sommes assurés que chacun avait une pièce d’identité ainsi qu’une bouteille d’eau car le voyage était long. Les trois jeunes ont dit « Bismillah » (Au nom de Dieu) l’un après l’autre et nous nous sommes lancés dans cette belle aventure.
Chemin faisant, ils m’ont expliqué pourquoi c’était important pour eux de planter les arbres. Ils croient que parmi les bonnes œuvres qu’un être vivant peut accomplir sur cette terre, il y a la construction d’une mosquée et la plantation d’au moins un arbre. Lorsque la personne qui a construit une mosquée meurt, la mosquée continue à accueillir des gens qui viennent y prier et cela est source de bénédiction et de grâces pour la personne qui l’a construite. Il en va de même pour celui/celle qui a planté un arbre. Quand il fait chaud, les gens s’assoient sous l’arbre pour y trouver un peu de fraîcheur ; dans différentes cultures les familles se rencontrent sous l’arbre pour traiter les problèmes familiaux et se réconcilier les uns avec les autres. C’est un lieu de rassemblement. Celui/celle qui a planté cet arbre, même mort, continue à recevoir des grâces divines à cause de l’utilité de cet arbre.
La plantation des arbres et toute activité liée à la création nous unit fortement entre chrétiens et musulmans. Nous sommes tous appelés à prendre soin de l’environnement quelle que soit notre religion.
Nous sommes arrivés au collège Bababé, à Boghé vers 14h30. Le directeur de l’école est venu nous accueillir avec beaucoup de joie. En voyant les cinquante arbres, il s’est exclamé : « Allah Akbar, lors de la plantation des arbres que vous avez us au long de la route, j’ai demandé seulement trois arbres, on ne m’a rien donné et voilà qu’aujourd’hui vous nous apportez cinquante arbres, merci beaucoup. Nous en prendrons soins, vous n’allez pas le regretter. »
Les jeunes filles et garçons plein d’enthousiasme se sont mis à ajouter du fumier dans les trous, chacun voulait planter un arbre. En quelques minutes, dans la cour du collège, 30 arbres étaient plantés et arrosés. Il y avait déjà de la verdure. Quel changement !
Je me suis rappelée d’un chant de Jean Claude Giannada qui dit : « Il suffit d’une larme pour que pleure le monde, d’une seule chanson pour le faire danser, d’une main dans la main pour commencer la ronde et si nous sommes deux, pourquoi pas des milliers ? »
Yahya a sensibilisé élèves et professeurs sur le rôle de l’arbre et sur son entretien.
Vingt autres arbres étaient réservés pour l’école primaire située au bord du fleuve Sénégal. La grande joie qui nous habitait faisait que nous ne sentions même pas la faim. Nous nous félicitions en nous serrant fortement les mains.
L’heure était arrivée de nous rendre à la résidence du directeur du collège où nous allions passer la nuit.
Arrivés chez lui, nous avons été accueillis en langue poular « Mbataseli !» et la maman nous a offert une salle, un repas et une petite bonbonne à gaz pour faire du thé mauritanien. Nous étions chez nous.
Après une heure de repos, nous avons décidé d’aller à l’école primaire pour y planter les vingt arbres qui restaient. Nous les avons transportés à l’aide d’un chariot. Les petits enfants courraient dans tous les sens, curieux d’avoir des arbres. Ils voulaient savoir le nom de chaque arbre. Nous leur avons parlé des bienfaits des arbres et de leur responsabilité d’en prendre soin. Le soir vers 21h, quelqu’un a été envoyé dans toutes les maisons pour annoncer: « Vous êtes invité à venir demain à l’école avec des ciseaux pour réaliser des protections pour les arbres. »
Mes camarades de voyage sont allés voir le match et je suis restée avec la maman et ses deux filles. Elles ne parlaient que le Poular et moi seulement le Français. Mais comme nous voulions communiquer, chaque mot était accompagné par un geste et un sourire, en nous regardant dans les yeux pour nous comprendre. Leur attention envers moi et leur délicatesse, pour s’assurer que j’étais à l’aise, que j’avais bien mangé et que j’allais bien dormir étaient extraordinaires.
J’ai été confirmée dans ce que Cardinal Lavigerie, notre fondateur nous disait : « Apprendre la langue d’un peuple, c’est se préparer à lui appartenir ». Chaque jour, je me heurte à ce défi et je crois que c’est le moment d’apprendre leur langue pour une mission plus efficace.
Les enfants n’ont pas de livres et même ceux qui sont au collège s’expriment mieux en Poular qu’en Français. Leur envoyer des livres serait un magnifique cadeau pour eux.
Au plus profond de moi-même, j’ai senti que nous sommes des frères et sœurs. Osons aller vers les autres et bâtissons ensemble un monde fraternel.
Sr Marie Ange Ndayishimiye, communauté de Nouakchott (Mauritanie)