Sœur Carmen Sammut, Supérieure Générale des Soeurs Missionnaires de Notre Dame d’Afrique, vient d‘achever six années (2013 à 2019) comme présidente de l’UISG (Union internationale des Supérieures Générales). Elle partage avec nous son expérience pendant cette période passionnante.
Tu as rencontré le pape François en audience privée et publique. Qu’en retiens-tu ?
L’impression que je garde de la rencontre avec le Pape François est celle d’un homme qui donne à la personne qui est devant lui toute son attention, comme si rien d’autre ne comptait. Cela m’a tout de suite mis à l’aise, même lorsque j’étais assise à côté de lui.
Quand je l’ai rencontré en janvier, j’étais inquiète à cause de la santé de ma mère et je lui en ai parlé simplement. Alors que je partais, il s’est approché d’une table voisine et m’a donné un chapelet pour ma mère. J’ai été très touchée de ce geste.
Il a souvent répété qu’il ne faut pas se lamenter sur les chiffres, mais veiller à ce que notre style de vie et nos actions en faveur des plus démunis et de la Terre restent significatifs. C’est un appel à s’engager totalement dans notre mission, telle qu’elle s’exprime dans nos orientations apostoliques.
Le thème de l’Assemblée de l’UISG 2019 « Semeurs d’espérance prophétique » ressemble au thème de notre dernier Chapitre. Quel est l’appel au niveau planétaire ?
Quand nous avons regardé le contexte global, dans le monde, dans l’Église, dans nos Instituts, nous avons entendu un appel commun pour nous, religieuses, à cultiver les semences d’espérance que nous recevons du Seigneur Ressuscité ; à aller les semer parmi nos contemporains, surtout les oubliés, les exclus, ceux qui souffrent sur le plan économique, social, psychologique et spirituel.
Vivant dans un monde, nous sommes toutes interpellées par ces réalités et surtout par l’appel de Jésus à vivre la « CARITAS », à apporter Son Espérance là où il y a le désespoir, Son Amour là où il y a la haine, Sa Vie là où il y a la culture demort .Nous avons toutes eu à nous engager dans la Campagne pour la planète ainsi que dans un autre domaine qui était un grand défi dans notre contexte. Savoir que toutes nous faisons un effort pour être de plus en plus « semeurs d’espérance prophétique » nous stimule beaucoup.
On nous a rappelé la campagne de l’UISG pour la planète, pour y participer si nous ne l’avons pas encore fait. Vous pouvez voir cette vidéo.
Quels germes d’espérance apportes-tu à notre Congrégation à partir de cette expérience globale?
Au lendemain de l’Assemblée de l’UISG, la Famille Notre-Dame d’Afrique (20 Supérieures généralesy étaient présentes) s’est réunie dans notre maison. Les entendre parler de leur engagement pour prendre soin des personnes et de la Création m’a apporté une grande joie. Leur implication dans la protection des enfants, dans la sensibilisation des parents afin de prévenir la traite des êtres humains est égalementremarquable. Elles ont vu la nécessité de s’engager dans des initiatives impliquant des femmes de différentes religions, afin de construire la paix. (Voir page 71)
Les graines de ces réflexions avaient déjà germé et étaient devenues une plante. J’en rends grâce à Dieu.
Au cours de notre Conseil Elargi, chaque Entité ainsi que le Conseil Général ont choisi un problème mondial actuel sur lequel travailler en vue d’une solution. Nous avons été surprises, alors que nous avions travailléséparément, de voir que nous avions toutes choisi le soin de la création, une de nos orientations apostoliques. Les leaders ont planifié comment agir dans leur entité : c’est un grand pas en avant. Nous allons voir aussi quelles décisions et actions nous devons prendre en tant que Congrégation pour être conséquentes avec nos orientations.
Les femmes dans l’Église…. Vois-tu une ouverture ?
Indéniablement, il est possible à un plus grand nombre de femmes de participer à des réunions importantes. Par exemple, lors de la réunion de février 2019 sur les abus envers les mineurs dans l’Église, l’ensemble du bureau de l’UISG a été invité et a eu le temps de s’exprimer. Alors que lors des deux derniers synodes, nous avions dû aller rencontrer le Préfet des Synodes qui nous avait donné 3 places pour les femmes religieuses il y a maintenant 4 femmes -3 religieuses et une laïque- nommées consultantes auprès du Dicastère des Synodes. C’est un grand pas en avant. Nous espérons qu’il en sera de même dans la Congrégation pour la Vie Consacrée.
Je vois aussi que partout, nous, religieuses, sommes celles qui sont vraiment proches des pauvres, des exclus, plaidant pour la justice, pour la paix et pour la terre, restant aussi dans des situations dangereuses, au nom de Jésus. C’est peut-être là que nous avons le plus d’influence.
Au cours des six dernières années, la structure administrative de l’UISG a beaucoup progressé, n’est-ce pas ?
En repensant à ces six dernières années comme présidente de l’Union Internationale des Supérieures Générales, je pense tout de suite aux membres du Bureau, aux supérieures générales des différentes congrégations de vie apostolique. Quatre d’entre nous ont fait deux mandats de trois ans. Je suis reconnaissante pour chacune d’entre elles, car nous étions toutes des femmes travailleuses, déterminées à donner le meilleur de nous-mêmes pour le bien de la vie religieuse dans le monde entier. C’était tellement enrichissant de pouvoir réfléchir et travailler ensemble. C’est Sœur Patricia Murray ibvm, la secrétaire exécutive, qui nous a vraiment fait avancer.Le personnel a été augmenté et réorganisé et est extrêmement efficace.
Lorsqu’une partie de l’ancien bâtiment de l’Institut Regina Mundi a étéde nouveau disponible, nous l’avons restauré dans sa vocation de formation des sœurs. Le Centre Regina Mundi offre maintenant de grandes salles où de grands groupes peuvent se réunir.Par exemple, 180 sœurs ont suivi la session sur la vie interculturelle, simultanément dans deux salles séparées, reliées entre elles par des moyens technologiques très sophistiqués.
Afin d’atteindre nos quelque 2000 membres répartis dans le monde entier, le nouveau Centre offre des webinaires interactifs traduits simultanément en plusieurs langues.Les réunions en ligne avec les groupes de nos déléguées, en fonction des fuseaux horaires, ont permis d’ inclure plus de personnes dans le processus de réflexion. Le département de communication a aidé à canaliser les demandes d’interviews, à avoir des messages et des déclarations prêts à être publiés sur notre site web, comme par exemple notre déclaration contre toutes sortes d’abus à l’intérieur de l’Eglise.
Le réseau de l’UISG contre la traite des êtres humains TalithaKum a fêté cette année ses 10 ans d’existence. Quel est l’impact de ce réseau ?
TalithaKum est un réseau de réseaux présents dans 77 pays sur tous les continents. Il offre l’occasion de travailler ensemble, en tant que réseau mondial, pour s’attaquer au problème de la traite des personnes. Le réseau vise la prévention, la prise de conscience, la protection, le partenariat et la prière. Il y a un engagement en matière de lobbying et de plaidoyer ainsi qu’en matière de formation. Trente-quatre cours ont été mis en place pour l’établissement de réseaux et plus de 1000 religieuses ont reçu cette formation dans 65 pays. Certaines de nos sœurs y ont participé.
Grâce à TalithaKum, le 8 février, fête de Sainte Joséphine Bakhita, a été choisi comme Journée Mondiale de prière et de sensibilisation contre la traite des êtres humains. Cette année, le travail de Sœur Gabriella Bottani, coordinatrice de TalithaKum, a été honoré d’une manière spéciale à titre de » héros de la lutte contre la traite des personnes » par le Département d’Etat américain.
Le Pape François nous dit : ou bien nous faisons quelque chose pour prévenir la traite, ou bien ou bien nous sommes complices de ce grand mal. Nous pouvons tous faire quelque chose pour sensibiliser les gens, pour écouter les cris de ceux qui se sentent écrasés par la pauvreté et l’inégalité des chances. Nous pouvons tous plaider en faveur de lois de migration justes afin que ceux qui veulent désespérément quitter leur pays ne deviennent pas une proie facile pour les trafiquants.
Quelqu’autre chose que tu aimerais partager ?
J’ai vécu six ans de bénédictions, au prix d’un travail acharné. Mon amour pour la vie religieuse et l’Église s’est accru, ainsi que ma souffrance pour nos lacunes et nos injustices en tant qu’Église.
J’ai été témoin de la diversité de la vie consacrée dans différentes parties du monde : Australie, Lituanie, Etats-Unis, Philippines et divers pays européens. J’ai beaucoup appris en rencontrant tant de religieuses.
A l’intérieur de nos communautés et congrégations séparées, nous pourrions perdre courage et penser que nos efforts sont insignifiants, mais lorsque nous formons un seul corps et unissons nos forces pour travailler ensemble, la force même de l’Esprit de Pentecôte nous envoie pour être les témoins, en notre temps, des merveilles du Seigneur.
Trouvez ici l’interview en entier.
Interviewée par Sr Gisela Schreyer